lundi 28 mai 2012

Histoires comme-ci, comme çà (12)

Comment je suis devenu napolitain




 Août 2003.Castelbasso. Provincia di Terramo . Italia
 Castelbasso n'est qu'à une dizaine de kilomètres de notre plage et nous  avons pris l'habitude  de nous rendre quelques soirs dans ce village isolé dans la montagne. Dans ce lieu sinistré, des petits malins ont eu l'idée d'organiser chaque année une expo d'art contemporain. L'artiste invité dispose du village et expose ses principales compositions dans les nombreuses maisons abandonnées, croulantes. Accrochés ou simplement posées sur les pierres, les toiles, les sculptures ou les objets sont sous la haute surveillance des habitants. Ainsi, les visiteurs privilégiés peuvent entrevoir d'un seul coup d'oeil le présent et le passé de ce village.
Il faut bien admettre que autant que l'art contemporain, ce qui nous poussait à venir chaque année dans ce lieu si riche c'est le restaurant improvisé de la place où l'on pouvait déguster les fameuses petites saucisses grillées des Abruzzes, le fromage de brebis et le vin local.
Ensuite, libre à nous de digérer au calme, sous les grands mûriers; d'admirer le panorama en s'abandonnant à la brise providentielle.
Et puis, vers 22 heures (dans ce pays l'heure n'est gracieusement  livrée qu'à titre purement indicatif) venait le moment du concert.
Cette année-là, le programme annonçait les Tambours du Vésuve.
Dès les premiers accords, la place s'est miraculeusement couverte de spectateurs qui piaillaient comme des oiseaux. Le chanteur (Nando Citarella) annonça que le concert serait placé sous le signe des musiques de la Méditerranée. Notre voyage commença dans les faubourgs de Naples, frôla les côtes de Sardaigne et s'acheva dans les  pays du Maghreb.
Impossible de rester le derrière collé sur sa chaise. Peu à peu, des spectateurs possédés se levaient pour égrener  en choeur les refrains tant de fois chantés par leurs parents.
On poussa les chaises, on dansa, on s'embrassa!
Une fête débridée succéda au protocole strict du concert et ne s'éteignit que très tard dans la nuit.
Alors que le feu n'était plus que braises, je serrai la main de Nando en lui disant simplement que jusqu'ici, je ne connaissais Naples que par les écrits d'Anna-Maria Ortese ou Domenico Réa et que grâce à lui, ce soir béni des Dieux, j'avais  aussi découvert sa merveilleuse musique.
Il me remercia en prononçant ces mots simples et vrais que seuls les poètes ont le pouvoir de prononcer.
A l'aube, alors que nous redescendions vers l'implacable réalité, je me consolai en pensant que j'étais devenu napolitain, juste pour un soir.
Julius Marx




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire