mardi 22 mai 2012

Un temps pour tuer



Pourquoi le roman Tempo di Uccidere ( Un temps pour tuer) de Ennio Flaiano a-t-il cette réputation de roman envoûtant, déroutant, voire quasiment mystique?
Oui, Julius, pourquoi? C'est une très bonne question que tu poses là, mais, d'abord, parle-nous de l'auteur, du sujet, du roman... Bref, fais-nous entrer dans la confidence, s'il te plaît.
Il faut tout d'abord que je vous dise que c'est un roman particulier pour moi, un roman qui a une histoire. C'est mon frère de lecture qui m'en parle le premier il y a une quinzaine d'années. Nous allons ensemble à la librairie La Tour de Babel à Paris pour tenter de dénicher le fameux roman. Mais, nous apprenons qu'il n'a jamais été ré-édité en français depuis 1951, date de sa sortie chez Gallimard.
Même si l'endroit est très sympathique ( le propriétaire parle à merveille de la Sicile et d'huile d'olive) je reviens fort déçu de ma visite. Depuis ce jour, je n'ai  jamais cessé de le chercher. Ensuite, mon frère est parti  en me laissant simplement une adresse au Paradis, son édition italienne et de beaux souvenirs de jours heureux.
Je le trouve enfin l'année dernière ré-édité aux éditions Le Promeneur, abandonné dans un bac "occasions" de la librairie Gibert Jeune ou Joseph Gibert, qu'importe, je les confonds toujours ces deux-là.
Flaiano, c'est le scénariste de plusieurs chef-d'oeuvres du cinéma italien comme La Strada, les Nuits de Cabiria, la Dolce Vita, les Vitelloni.. Vous en voulez plus?
Son premier et unique roman est publié en 1947. Il raconte l'errance d'un officier italien lors de la campagne d'Ethiopie et sa rencontre avec une femme mystérieuse.
Mais, la principale rencontre du livre c'est celle d'un continent ou l'irrationnel, l'intemporel et le sacré l'emportent toujours sur la logique de l'homme blanc. Le temps, lui aussi, a une importance considérable dans la progression de l'intrigue. On a souvent l'impression que le personnage se retrouve prisonnier du temps, des éléments ou des autochtones qui apparaissent ou disparaissent comme des images floues d'une lanterne magique.
Dès les premières lignes, l'auteur veut poser  ces trois pôles : temps, végétation et esprit.
"J'étais étonné d'être encore vivant, mais fatigué d'attendre du secours. Surtout fatigué de voir tous ces arbres qui se dressaient le long du ravin, car partout où une graine trouvait la moindre place elle y finissait ses jours. La chaleur, cette atmosphère malsaine, que même la brise du matin ne parvenait pas à adoucir, donnaient aux plantes l'aspect d'animaux empaillés."
C'est donc Le continent africain, bien loin des poncifs et des représentations occidentales, qui enveloppe et accompagne le personnage. Rares sont les auteurs qui sont parvenus, comme Flaiano a traverser le miroir opaque  qui voile toutes aventures africaines.
"Dès que l'ouvrier m'eut jeté son souhait comme on jette un défi, je fus tenté de revenir en arrière. Rien qu'un instant. Par superstition je touchai un de ces arbrisseaux, mais leur bois était du vrai carton pâte, on eût dit le fonds de magasin de l'univers."Seul un brocanteur sans scrupule a pu les mettre dans cette terre à l'abri de la main de l'homme", pensai-je. Et d'un pas décidé je m'engageai dans le raccourci."
Alors, êtes-vous prêts pour le grand voyage?
Julius Marx
Vous pouvez lire un autre extrait sur ce blog en recherchant le texte "Femme de Gondar".

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