samedi 26 mai 2012

Les lectures aimées (Fin)



Il est probable que, le matin, un enfant ingénu, un écolier vagabond s'attardait devant ces magasins, émerveillé, méditant d'obtenir, contre le peu d'argent qu'il avait dans sa poche, certains de ces livres, d'où tant d'images merveilleuses et un peu tristes, sur les couvertures, l'avaient regardé.
Mais il finissait par partir et, durant toute la journée, il ne venait plus personne. Seuls la pluie  ou le vent, le soleil et les nuages dans le ciel turquoise consolaient ces vieilles paperasses, ces histoires anciennes, avec leur présence vague.
Un silence, une sorte de méditation sans fin stagnaient, tel un air oublié, sur ces pauvres trottoirs, devant ces seuils usés. Il était évident que le but que se proposaient le ou les propriétaires de ces magasins allaient au-delà d'un intérêt normal. On ouvre pas un magasin dans un désert, on ne monte pas des expositions là où il n'y a que nuages et cailloux. Et ces magasins ne pouvaient donc être, selon moi, que des compositions de la Mémoire; ils faisaient partie d'une série de Signes et de Symboles, grâce auxquels cette vieille Rue méditative se donnait à elle-même en spectacle la beauté absurde de la vie, les rêves des jeunes gens qui l'avaient fréquentée pendant la journée, et dont les pas légers n'étaient, hélas, les mêmes, que pour peu de temps.
Anna-Maria Orstese
(La grande Rue- in les Ombra)
( Nouvelles- Actes Sud)

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