jeudi 10 mai 2012

Le collectionneur




Le poète est collectionneur. Il ne collectionne ni les porcelaines, ni les bronzes, ni les tableaux, ni les médailles, ni les timbres, ni rien de ce qui pourrait être dispersé à profit sous le marteau d'un commissaire-priseur. C'est néanmoins ce qu'il est par tempérament. Il collectionne les relations. Travail délicat, auquel il applique la patience, la passion, la résolution d'un véritable collectionneur de curiosités. Pas de personne de sang royal dans sa collection: je pense qu'il  trouve qu'elles ne sont ni assez rares ni assez intéressantes; mais, cette réserve faite, il a rencontré et conversé avec quiconque vaut la peine d'être connu dans tous les domaines imaginaires.
Il observe, il écoute, il pénètre, il mesure et il range le souvenir dans les galeries de son esprit.
C'est le plus grand rebelle des temps modernes. Le monde le connait comme un écrivain-cinéaste révolutionnaire  dont la vision cruelle a mis à nu le pourrissement des institutions les plus respectables.
Il a scalpé toutes les têtes les plus vénérées et a supplicié au poteau de son esprit  toutes les opinions reçues et tous les principes de conduite et de politique admis.
Ecrits, lus, filmés ou criés, ses pamphlets sont d'un rouge flamboyant . Lorsqu'ils essaiment soudain, toutes les forces de police ou de religion en sont accablés comme par une attaque de taons cramoisis.
Son sourire, ses yeux d'enfants, ne mentent pas.
Il donne et ne reçoit jamais.
Il aime, c'est tout.

Julius Marx
(D'après le texte The Informer, de Joseph Conrad)

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