mardi 21 août 2012

Le polar est Amour (2)


Il faisait chaud dans la chambre. Le climatiseur de la fenêtre était en panne et brassait de l'air vicié.
Ils avaient détrempé les draps et jusqu'au matelas. Karen appelait ça "baiser dans un sauna".
Dwight embrassa ses cheveux humides, d'autant plus roux qu'ils paraissaient brillants.
Le mari était sur la côte est. Il avait un nom, mais Dwight ne le prononçait jamais. Dina était à la crèche. Ils avaient trois heures.
Karen roula sur le dos. Elle était enceinte de trois mois. Cela commençait un peu à se voir.
Sa sveltesse prenait quelques rondeurs. Elle s'étira. Elle agrippa les barreaux du lit et se cambra.
Dwight posa une main sur son ventre et la fit redescendre en douceur. Elle roula vers lui. Il passa une jambe par-dessus elle et l'attira tout près.
-Tu es sûre qu'il n'est pas de moi?
-Oui. Il y a eu un protocole, et tu étais loin du réceptacle.
Dwight sourit.
-C'est une fille.
-Pas nécessairement.
-Les filles causent moins de tracas. Tout enfant de sexe masculin auquel tu donneras naissance sera source de problèmes  pour moi. Je passerai le reste de ma carrière à caviarder ses dossiers et à le faire sortir de prison.
Karen alluma une cigarette.
-Dina fera sauter le Mont Rushmore. Elle commence à me donner cette impression.
Dwight leva la tête vers elle. Leurs yeux étaient tout près. Ce bleu étrange parsemé de sombre- une sacrée grecque.
Karen se mordit les lèvres. Dwight l'embrassa pour qu'elle cesse. Ils entrèrent en communication télépathique. Karen énonça son credo.
-Je ne ferai pas d'autre commentaire sur la nature usuraire de notre relation, de crainte de m'accuser  moi-même de collaboration avec un fasciste et de m'enfuir en hurlant.
A point nommé, avec un timing parfait, juste après un baiser. Au-delà du pince-sans-rire, en deçà du comique.
Dwight se tordit de rire. Karen lui plaqua sa main sur la bouche. Il lui mordilla la paume pour qu'elle cesse. Elle désigna les vêtements de Dwight. Son carnet de chèques avait glissé hors de se poche de veste.
-Ces chèques anonymes. Tu ne m'a jamais dit pourquoi.
-Je t'ai dit que je les postais.
-Tu me dis un minimum, et rien de plus.
-Tu fais la même chose.
-C'est comme ça qu'on reste ensemble sans courir de risques.
Leurs visages étaient proches. Karen se pencha vers Dwight et leurs yeux furent plus près encore.
-Tu as commis quelque chose d'abominable. Je ne te demanderai pas quoi, mais il faut que tu saches que je ne l'ignore pas.
Dwight ferma les yeux.
Il demanda:
-Tu m'aimes?
Karen répondit :
-Je vais y réfléchir.

James Ellroy 
Blood's A rover ( Underworld USA)
Photo : Mia Farrow-John Cassavetes (Rosemary's baby- Roman Polanski 1968)

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