lundi 13 août 2012

Miroirs noirs


La vie de l'homme : ça consiste à détaler en zigzag pendant quarante ans. Et quand ça monte haut (avec haut-le-coeur et autres remontées!), c'en sont quarante-cinq; et quand ce fut vraiment exquis, on s'en sera tenu à 15 ans de guerres et trois inflations seulement .
Je m'éveillai : car par la fenêtre latérale l'oeil hagard de la lune pesait sur mon visage engourdi : ils venaient, infatigables: le jour et la nuit. Un jour, je serai étendu quelque part, pantelant (espérons que ça ira vite; toujours se garder une cartouche de réserve dans le colt, billet gratuit pour le voyage à l'aventure). Je m'adossai contre le mur, m'accroupis, et contemplai songeur avec des yeux de hibou les lentes variations de la lumière.
(Un tour dehors).Lune: en talus de pierre muet dans un âpre marécage de nuages. Des miroirs noirs en grand nombre gisaient alentour; des branches fourchaient ma figure et dégouttaient en vitesse. Sommeil lourd.
Arno Schmidt (Miroirs noirs-extraits)
Photo : Hugh Van Es / Vietnam.

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