dimanche 19 décembre 2010

Les parfums islamiques


La route était maintenant légèrement en pente et on voyait Palerme très proche dans l'obscurité la plus complète. Ses maisons basses et serrées étaient accablées par la masse démesurée des couvents; de ceux-là, il y en avait des dizaines, tous immenses, souvent associés par groupe de deux ou trois , couvents d'hommes et de femmes, couvents riches et couvents pauvres, couvent nobles et couvents plébéiens, couvents de Jésuites, de Bénédictins, de Franciscains, de Capucins, de Carmes,de Rédemptoristes, d'Augustiniens...
Des coupoles émaciées, aux courbes incertaines, pareilles à des seins vidés de leur lait, se dressaient encore plus haut, mais c'étaient ces couvents qui conféraient à la ville son air sombre et son caractère, son décorum joint au sentiment de mort que même la frénétique lumière sicilienne ne parvenait jamais à dissiper.
A cette heure là, en outre, la nuit presque tombée, ils devenaient les despotes du panorama
Et c'était contre eux, en réalité, que les feux sur les montagnes étaient allumés, attisés d'ailleurs par des hommes entièrement semblables à ceux qui vivaient dans les couvents, tout aussi fanatiques, tout aussi fermés, tout aussi avides de pouvoir, c'est à dire, comme de coutume, d'oisiveté.....//

...A présent, en effet, la route traversait les orangeraies fleuries et l'arôme nuptial des fleurs d'oranger annulait toute chose comme la pleine lune annule un paysage: l'odeur de transpiration des chevaux, l'odeur de cuir des capitonnages, l'odeur du Prince et l'odeur du Jésuite, tout était effacé par cette odeur islamique évoquant houris et outre-tombe charnels.



Giuseppe Tomasi Di Lampedusa " Il Gattopardo" 1958
(Editions du Seuil 2007 Nelle Trad.)
Je vous souhaite de tout coeur d'avoir déjà ressenti l'impression d'être le despote du panorama.
Pour les houris et outre-tombe charnels, je ne peux que vous proposer cette version toute "hollywoodienne" mais, quelle beauté!

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