mercredi 6 avril 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (17)



Outis arrache le fil du lampadaire
Il lie solidement les poignets de Davis. Puis, il enfile un caleçon et se rend dans la salle de bains pour s'asperger le visage d'eau fraiche.
Revenu dans la chambre, il allume le plafonnier et se penche sur la forme évanouie étendue sur la moquette.
La forme a le visage blafard, elle aspire l'air avec sa bouche mince et ses deux gros yeux gris menacent de quitter leurs orbites.
Dans ses poches, Outis ne trouve qu'un vieux paquet de chewing-gum et des clés de voiture rassemblées dans un un porte-clés portant une médaille de Saint-Christophe.
Dans la poche intérieur du manteau, il s'attarde la feuille déchirée d'un petit carnet de notes. Le dessin lui rappelle vaguement quelque chose, un Paul Klee, peut-être.
Davis grogne. Outis lui pince la joue pour accélérer sa reprise de conscience.
-Qu'est-ce que tu es venu faire dans ma chambre ?
-Crève, répond Davis dans un souffle rauque
Une gifle / Davis veut éviter le coup mais, il n'empêche pas la main de frapper sa joue.
-C'est bien, tu reprends déjà des couleurs
-Sale pourri, éructe Davis
-Tu me juge trop vite, on se connait à peine, répond Outis.

Dans le parking de l'Association Colombophile de France
Le blondinet aperçoit son complice qui sort de l'ascenseur . Il écrase sa cigarette sur la semelle de sa chaussure.
-Alors?
Nez de boxeur passe devant lui sans un regard et s'engouffre ans la voiture.
Le blondinet grimpe à son tour dans la voiture de l'association. Son complice a déjà enclenché la marche arrière.
La remontée vers la sortie est rapide... trop rapide.
Le blondinet agrippe solidement la poignée au-dessus de la portière. La voiture mord par deux fois la bordure blanche des trottoirs, dérape sur une surface lisse de ciment peint.
Le rideau se lève dans un grincement de scie électrique.
Le capot de la voiture plonge dans une rue endormie.
-Qu'est-ce que tu as? demande blondinet en tournant la tête
-Quoi! répond nez de boxeur sans quitter la route des yeux
-T'as le feu au cul!
-Fais pas chier!
Après quelques secondes de silence pesant, le blondinet agite une petite boite de pastilles à la menthe devant les yeux du chauffeur;
Nez de boxeur donne un coup dans la boite. Elle cogne sur le pare-brise.
On traverse le quartier de l'Europe / alignement d'immeubles sages enveloppé de bourrasques perlées de neige.
Nez de boxeur grille deux feux rouges / blondinet grimace


Curriculum vitae
Bien que son appendice nasale hurle le contraire, nez de boxeur n'a jamais pratiqué le noble art. Son œuvre s'étale, sale et grasse, sur les pages d'un épais dossier des services judiciaires.
Phrases tragiques, hachées de termes balistiques qui virevoltent au grès des lignes, des mois, des années .
Le cadavre encore non-identifié d'une femme / on a retrouvé l'arme près du corps /
Un meublé appartenant à un ami de / traces de coups ayant entraînés la mort/
Dans la marge, on pouvait lire, inscrit en lettres rouges : individu très dangereux.
Forcément handicapé par la différence d'âge (10 ans) le blondinet n'affiche pas le même palmarès. Le premier fait d'armes de ce fils de Gaïa avait été d'émasculer son géniteur, avec l'approbation de sa mère, alors qu'il n'avait pas encore dix-huit ans.
Chronos des temps modernes, il avait embrassé la profession une harpé entre les dents, les mains encore tachées du sang paternel.



Blondinet n'aime pas le silence
-Il était seul là-haut? demande-t-il
-Non
Une grimace narquoise s'affiche sur le visage angélique
-Laisse moi deviner ; Paula, Flore, ou peut-être bien Myriam ?
-Myriam, grogne son copain
-Ha! tout s'explique
-Ta gueule! Blondin , s'énerve nez de boxeur
-La douce et dévouée Myriam, poursuit pourtant l'autre d'un ton goguenard.
-Je t'dis de la fermer! rugit nez de boxeur
-Dis-moi, c'était quoi ce soir, la danseuse ou l'écolière?
Nez de boxeur écrase la pédale de frein. La voiture fait une embardée et s'immobilise tout près d' un grand mur recouvert de graffitis.
Le blondinet n'a pas le temps de parer l'attaque. Les deux grosses pognes de nez de boxeur lui serrent déjà le cou, le souffle lui manque. Il gesticule, tente d'attraper son agresseur par les cheveux. Nez de boxeur évite facilement / son râle est rauque, ses yeux injectés de haine.
-Arrête... Arrête.. le boulot... On va faire une connerie... tous les deux... gémit le bondinet.
Nez de boxeur se réveille/ il lâche le blondinet / reporte sa haine sur le tableau de bord qu'il martèle à grands coups de poings.
Blondinet fait un effort pour se redresser. Il tente d'ajouter encore un mot pour calmer son pote mais, sa voix s'étrangle. Son visage n'est plus qu'un petit chiffon flasque et gris. Ses lèvres minces sont collées par de la salive blanchâtre.
Nez de boxeur a les yeux fixés sur le mur , les inscriptions.
Il lit la haine ordinaire de la rue , le dégoût, la poésie brutale et torturée du peuple d'en bas.
Puis, un sourire excessivement venimeux transforme subitement son visage.
Ses lèvres se retroussent, une étrange lueur brille dans ses yeux.
-T'as raison , on va lui faire la peau à ce salaud!
-Ouais... soupire le blondinet.
A suivre 

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