samedi 23 avril 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (18)



La voiture avance au pas.
 Le moteur ronronne comme un chat.
Dans un ciel encre de Chine, uniquement tâché d'une petite lune rachitique, les deux hommes aperçoivent au même instant la lueur rouge.
-Là ! font-ils ensemble
Le boxeur effectue un demi-tour complet et vient se ranger devant la porte de l'hôtel de la Paix.

L'auxiliaire de police Mangin note scrupuleusement le numéro de la plaque minéralogique.
Sur la page de son petit carnet à spirales, il note aussi le signalement des deux hommes qui descendent de la voiture. Ces renseignements figurent juste au dessous de ceux concernant une autre voiture, une Rover de couleur grise.
 Le méthodique Mangin consulte l'horloge du tableau de bord de sa Renault 21, écrit 4h17, puis glisse son stylo dans la spirale du carnet.
Le prévoyant Mangin attrape alors la bouteille Thermos, à côté de lui, sur le siège passager.
Il boit. Il jette un oeil à l'intérieur de la bouteille. Il pense : encore deux heures avant la relève et il me reste à peine deux tasses de café.... J'ai les doigts de pied gelés.. Putain de métier.
Une voix lointaine et grésillante le fait sursauter.La radio.. Il renverse du café sur son pantalon.
C'est Mantovani , le sergent  de nuit. La voix aigrelette, agressée par les parasites, dialogue avec une autre, plus grave.
-Dis-donc Paulo, tu sais comment il est mort le capitaine Crochet, demande l'aiguë grésillante.
-Bah non, répond la grave, après quelques secondes de réflexion.
-En se grattant les couilles ! éclate l'aiguë.
Les deux tonalités se rejoignent dans une franche rigolade.
Le triste Mangin ne desserre même pas les lèvres. Mantovani lui a déjà raconté cette blague au moins dix fois.


Dans un synchronisme parfait, les deux tueurs poussent la porte de l'hôtel
Dans son box étroit, le réceptionniste ronfle, avachi, la tête rejetée vers l'arrière, la bouche grande ouverte.
Le duo enfile l'escalier. Leurs pas sont calculés, lents. Leurs visages restent impassibles, ils sont totalement concentrés sur leur mission.

Deux étages plus haut
Martial Davis, allongé sur le lit d'Outis, dort paisiblement. Ses mains sont pieusement croisées sur sa poitrine.
Sa chemise déboutonnée révèle un triangle de peau flasque, semé de quelques poils gris.
Sa bouche est entrouverte, sa lèvre inférieure tremble mollement à chaque expiration.
 Triste spectacle...Penché au-dessus de lui, Outis l'abandonne en grimaçant.
Dans la salle de bains, il  s'apprête à avaler un grand verre d'eau tiède et légèrement trouble. Après réflexion, il en vide la moitié dans le lavabo.
L'enseigne de l'hôtel projette de manière intermittente une bande rougeoyante par l'unique fenêtre.
Outis passe la tête dehors. Une bourrasque glaciale lui balance une gifle magistrale.
Il revient dans la salle de bains. Encore sous le choc, il titube.
Puis, subitement, il se fige.

Enter two murderers
Deux voix étouffées. Outis se plaque contre le mur pour échapper à la lumière de l'enseigne.
Il bloque sa respiration, dirige lentement sa main vers l'automatique glissé dans la ceinture de son pantalon.
Les deux voix sont maintenant plus proches, plus distinctes.
-T'as vu sa gueule, qu'est-ce qu'il a fabriqué ce con?
-Regarde..
Outis fixe la fenêtre / expire lentement.


Le gros doigt de nez de boxeur pointe les poignets ficelés de Davis
- Hé, Il est ligoté !
-Oui, approuve le blondinet. Ca veut dire qu'il a déjà reçu de la visite.
(Il montre les débris de verre, là, sur la moquette.)
Il s'est sûrement rebiffé, mais l'autre l'a assommé avec le lampadaire.
Nez de boxeur approuve la force de déduction de son partenaire en dodelinant sa bûche de tête, en s'efforçant d'avoir l'air attentif, concentré. Mais, ce qu'il attend avec impatience c'est le moment de passer à l'action.
-Qu'est-ce qu'on fait ? demande-t-il
-Réveille-le, répond le blondinet
Le visage de nez de boxeur s'illumine.


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