vendredi 29 avril 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (21)

Grand'place
Des bataillons de fourmis sortent en ordre dispersé.... Petits corps gris, frêles, antennes frémissantes.
Le carillon du Beffroi vibre. L'aiguille des minutes s'ébranle. Le bourdonnement de la colonie devient sourd.
Les colonnes se croisent, se bousculent. Quelques bons soldats tombent sur la place d'honneur, d'autres en profitent pour les piétiner. Seuls les plus forts survivront !


Le café avait dû avoir un style, une chaleur particulière
Le propriétaire est grand gris et gras. Ses yeux bleu pâles n'invitent pas à la familiarité.
L'iguanide brandit une bouteille au long goulot. Devant lui, il pousse trois petits verres, verse à la ronde.
Il jette un oeil sur l'intrus.
Outis referme la porte derrière lui. L'intérieur sent l'huile rance, la transpiration, déjà.
Face au patron, trois ouvriers en bleus de travail.
-C'est dingue ! fait un des ouvriers
-Ouais, approuve un autre en attrapant son verre dans sa grosse main.
-Pouvez me croire, j'me laisserai pas faire, grogne le patron en reposant la bouteille sur le comptoir.
Outis s'approche et opte pour une position retranchée.
-Un café, s'il vous plait.
-Z'on qu'a venir, y verrons, continue le patron sans regarder Outis.
Puis, il disparaît de son zinc. Les trois types en profitent pour vider fissa la contenu de leurs verres.
Guignol refait subitement surface en brandissant un fusil Tarzan à canon scié.
-J'tire dans le tas ! beugle-t-il  en pointant son arme sur le trio.
-Fais pas de connerie René, demande le plus courageux des trois.
Ses deux copains sont déjà couchés sur la carrelage.
La grosse tête de René, patron de bar, pivote alors sur la droite et s'arrête sur Outis.
-Z'êtes qui vous, ramasseur, flic... hein, dans quel camp ?
-Aucun des deux, répond Outis avec calme.
Les trois ouvriers se bousculent vers la sortie. Le son bref d'une sirène, dehors, claque comme un coup de fouet.
-C'est ça, barrez-vous, tas de bâtards!
Sa trogne  est  rouge écarlate. Il souffle et lâche le fusil. Outis s'approche
-Et mon café?
-Ca va, ça va, grogne tête en feu.
Il s'agrippe au percolateur, fait jouer le levier, sortir un jet de  vapeur.
-C'est quoi cette histoire de ramasseur ? demande Outis
L'autre ne répond pas, se concentre sur son job. Le café coule lentement dans la tasse.
-Je viens de vous dire que je n'appartiens à aucun des deux camps. Je suis arrivé dans cette ville hier.
-Alors, repartez , grogne le patron. C'est un conseil que je vous donne.
Il pose la tasse. Une bonne partie du café se renverse dans la soucoupe.
Outis fixe la tasse et reviens sur le patron.
-Merci du conseil, dit-il avant de sortir.
-Pas de quoi, répond le patron à la porte qui se referme.


Les fourmis, toujours..
Colonnes montantes, colonnes descendantes... la direction? Le I majuscule du  Beffroi et ses immeubles blocs attenants. Un I majestueux, longue parenthèse  tracée au crayon gras sur l'épaisse couche de brume fuligineuse.
Outis grimace. Dans sa poche, il a suffisamment d'argent pour rejoindre la capitale et oublier illico toute cette histoire. Fuir cette ville et son odeur d'égout, en oubliant  du même coup Valance, Libman  et les autres.
Il se souvient d'une phrase de son auteur préféré.
L'histoire est un éternel recommencement de la victoire du petit David la vérité sur le grand Goliath du mensonge.La chose essentielle, est que David continue le combat.

Tangible Stake : les manipulateurs
Outis lève les yeux. Il décide de tenter sa chance du côté des autorités.
(A suivre )

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