vendredi 8 avril 2011

Noir comme l'espoir

"Le roman noir va prochainement disparaître, phénomène qui présente une notable quantité d'importance nulle.
Pour un moment, il peut encore, forme référentielle, jeter ses derniers feux (humides comme des rêves), en rejoignant le cinéma, la chansonnette et les autres commerces culturels dans la mise en scène pauvre des dernières révoltes individuelles, c'est à dire du retard  et aussi de l'impatience, du jeune braqueur, du fou, du terroriste (liste non limitative)."
Jean-Patrick Manchette (cinq réflexions sur mon gagne-pain-Nouvelles Littéraires-Décembre 1976)
Ah, oui, bien sûr, la liste n'est pas limitative. Aujourd'hui, on peut y ajouter les séries télévisées, chacune avec son propre  business qu'on use jusqu'à la corde ; tueurs en série, cannibales, départements spéciaux de la police  etc..
On peut aussi ajouter les auteurs du  grand Nord (ceux qui écrivent avec de drôles de O), les ethnologues, les historiens, les poètes, les naturalistes (quelquefois les deux ensembles) et même les hommes politiques!
Bon, soyons sérieux et parlons plutôt du vrai roman noir,à l'américaine, dont la seule définition est : criminel, violent et surtout réaliste.Il semble que l'unique représentant  du genre encore méchamment actif soit Ellroy. Mais, nous allons  nous intéresser dans un premier temps aux précurseurs (eh oui, il faut bien un ordre, si celui du droit n'est pas bon).
Qu'est-ce que je veux prouver ? Simplement la force créatrice et fortement novatrice du roman noir avec des exemples et simplement des exemples. Pour le reste, à vous de juger.

1/ Raymond Chandler (1888-1959)
Chandler débute avec des nouvelles publiées dans les fameux Pulp (référence au papier de mauvaise qualité sur lequel les nouvelles étaient imprimées)
 Pas de demi-mesure, le talent est déjà là. Voyez plutôt comment il attaque cette histoire. Pas de descriptions de ciel, de psychologie ni de bla bla.. L'essentiel, rien que l'essentiel. Il faut aller vite et frapper fort.
"Le type au complet bleu pétrole (qui n'était plus bleu pétrole sous les lumières du Club Bolivar) était grand, avec des yeux gris écartés, un nez mince, une mâchoire carrée. Il avait une bouche mobile et, des cheveux bouclés et noirs, avec à peine quelques vagues touches grises. Ses vêtements devaient avoir une âme à eux, et plus qu'un passé douteux. Il s'appelait Mallory.
Il tenait une cigarette à la main entre des doigts robustes, nerveux. Il posa l'autre main à plat sur la nappe blanche et dit :
-Les lettres vous coûteront dix mille dollars, Miss Farr. Et ça n'est pas cher.
"Blackmailers don't shoot"-1933
Ou encore ...
"A une heure du matin, Carl, le portier de nuit, éteignit la lumière des trois lampes de table du grand hall de l'hôtel Windermere.Le tapis bleu s'assombrit d'un ton ou deux et les murs s'effacèrent. Les fauteuils s'enrichirent d'ombres oisives. Les coins se peuplèrent de souvenirs pareils à des toiles d'araignées.
Tony Reseck étouffa un bâillement. Il inclina la tête de côté et écouta le frêle gazouillis de musique venant de la salle de radio, à l'autre bout d'un obscur couloir voûté qui partait du hall. Il fronça les sourcils. C'était censé être sa salle de radio personnelle après une heure du matin. Personne n'aurait dû s'y trouver. cette rousse lui gâchait ses nuits ! 
"I'll be waiting"-1939
C'est tout pour aujourd'hui, savourez, on revient..
Julius Marx

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