lundi 2 mai 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (24)

-Sur le podium
Monsieur le maire achève son discours. Rien ni personne n'a été oublié, tous sont récompensés, flattés, caressés.
Les novices, se croyant dans un concert de jazz, avaient applaudis entre chaque respiration de l'orateur. Les autres s'étaient contentés de hocher la tête, en suivant le rythme.
La conclusion est proche. Tous s'en félicite secrètement.
Caché derrière une grosse femme qui scalpe les bouts de sa saucisse cocktail avec une étonnante technique, Outis tend le bras pour saisir une flûte remplie d'un liquide jaunâtre.
-Très risqué, fit une voix derrière son dos.
Outis stoppe net son geste, se retourne. Il se retrouve face à un homme portant une costume pied-de-poule bien trop étroit pour sa corpulence. Sous ses gros sourcils hérissés, ses petits yeux brillaient férocement.
-Sage décision, dit l'homme.
Il fait un geste en direction d'un serveur. L'interpellé rapplique ventre à terre.
-Donne-moi  ma bouteille..
 Happé dans sa course par cet ordre bref, le serveur pivote et repart dans l'autre direction, tête baissée.
-Sans le travail, le talent n'est rien, claironne  le maire.
Le loufiat est de retour. Il sert deux verres avec précaution, prenant garde de ne pas en mettre une goutte à côté.
L'homme et Outis l'observent attentivement. Puis, l'homme prend les deux verres, en tend un à son invité.
Pendant qu'il avale une généreuse lampée du sien, Outis l'imite. L'homme mâche le vin quelques secondes et se décide à le laisser glisser le long de sa gorge.
-Une nouvelle ville va naître, annonce le Maire.
L'homme observe Outis. Les bras croisés, sans mot dire.
-Banyuls, lâche Outis... Je lui donne dix ans, au moins.
L'homme titube. Outis se demande si c'est une petite larme qu'il voit perler sous son oeil droit.
-Maître Richard, notaire à Veninsart annonce l'homme en tendant sa main. Enchanté de saluer un vrai connaisseur.
-Et je vous demande de les applaudir encore une fois, demande le maire.
Les chauffeurs de salle donnent le signal, les autres suivent. Le vacarme dure quelques minutes.
-Où avez-vous trouvé cette merveille? demande Outis, une fois le calme revenu.
Il se trouve devant une femme  au sourire pincé.
-Qu'est-ce que vous dites?
Le notaire avait disparu.


Une inscription en lettres dorées  "Bureau de Mr le Maire" 
Le blondinet  écarte l'huissier du bras et pousse la porte à double-battant. Il se retrouve dans une grande pièce  onde au parquet luisant.
Il voit :  au centre du croquis de Giotto, un bureau moderne, des bibelots insignifiants, des dossiers.
Au mur, sept tableaux aux cadres guillochés. Dans les tableaux, les bobines austères des anciens sages de la ville le regardent. Moustaches, lorgnons, cols droits,nez aplatis, lèvres épaisses, crâne de mongols, une centaine d'années d'autocratie poussiéreuse le toise avec dédain.  Les double-rideaux sont tirés, la lumière vient d'une grosse lampe avec abat-jour galonnés d'or  posée sur le coin du bureau.
Monsieur est assis dans le fauteuil du maire. Il fait tourner machinalement un crayon à papier dans sa main.
-Il arrive, annonce le blondinet, sans oser s'avancer plus avant dans la pièce.
Monsieur se redresse légèrement puis, il brise le crayon en deux parties. Les deux parties dégringolent sur l'épais tapis blanc de haute laine , frappé des armoiries de la ville de Veninsart.


Le maire est surpris
Il entre dans son bureau en marchant lentement. Son regard  glisse sur les tableaux puis vient se poser sur Monsieur, assis dans son fauteuil.Ses mains tremblent. Il toussote.
-Qu'est-ce que...
Une porte attenante s'ouvre. Deux hommes entrent. Le premier est Blanquart. Il est semble décontracté, il suçote un petit cigarillos à embout de plastique. L'autre fait une sale tête.Son visage blanc, presque livide, est entièrement défiguré par une affreuse grimace. Blanquart s'arrête. L'autre se dirige vers le bureau.
Ses  grosses chaussures à semelles de crêpe produisent un bruit désagréable au contact du parquet.
Monsieur se penche en avant, joint ses mains à hauteur de sa bouche et expulse un profond soupir.
Visage pâle s'arrête net. Il se fige sur place, visage torturé, corps désarticulé.
-Alors ? demande Monsieur
-Nous... nous l'avons perdu, souffle difficilement visage pâle. Son regard est fuyant, dirigé vers le sol.
-C'est ce putain de détective! intervient Blanquart
Monsieur fixe Blanquart. L'inspecteur se sent transpercé. Il se met illico au garde-à-vous, les doigts collés à la couture de son pantalon.
Le blondinet remarque qu'il a les ongles sales et que le bas de son pantalon porte des traces de boue.
-Je n'aime pas qu'on jure, dit  Monsieur
Blanquart vacille
-Et j'ai horreur du tabac !
L'inspecteur cherche des yeux quelque chose, ne trouve pas, écrase finalement son cigarillos entre ses deux doigts. Des flammèches tombent sur le parquet.
-Le détective est mort,reprend Monsieur.
L'inspecteur chef relève la tête.
-Ha, bien..
-Bien ! gronde Monsieur, c'est tout ce que vous trouvez à dire !
Il cogne du poing sur le bureau/ tous sursautent.
-Je veux ce film, vous entendez ? Qui d'autre à pu le visionner, existe-t-il des copies? Comment est-il arrivé dans les mains du détective? Voila les questions qu'un vrai policier doit se poser!
Rien n'est réglé Ducasse... Au contraire, tout ne fait que commencer ! vous comprenez ?
Ducasse hoche la tête.
Subitement, le maire tombe à genoux. Il demeure un instant immobile comme le pénitent totalement absorbé par une prière. Puis, il secoue la tête...s'étrangle
-Foutu, je suis foutu...glapit le Maire de Veninsart.
(A suivre)

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