vendredi 27 mai 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (30)

Lendemain de fête
Sur la grand'place, des hommes au nez de fraise et longs paletots touchant presque le sol, démontent la grande roue. Sur le sol, les branches de sapin  se mélangent au détritus. La neige est sale, le ciel poudré de brouillard.
Un vieillard enveloppé dans deux morceaux différents de pardessus et coiffé d'un grand feutre, tourne sur lui même en hurlant Y'a de la joie !
Les rares passants ne tournent même pas la tête.
-Bonjour, bonjour les hirondelles !


-Au fait, où se retrouve-t-on ?
Plongé dans sa réflexion, Outis sursaute.
Ils ont maintenant dépassé la grand'place.  Un immeuble, ancien, décrépie; "L'unique cinéma d'arts et d'essais de Veninsart" annonce fièrement une affiche sur sa façade.
-Qu'est-ce que tu penses de ça? demande Outis en désignant le cinéma
Sarah tourne la tête et croise le regard de Gene Tierney
-L'aventure de Madame Muir... je l'ai déjà vu... A chaque fois, je pleure à la fin..
-C'est une réaction plutôt saine, répond Outis en se faufilant à l'arrière de la voiture.
Il s'allonge sur le siège, se recouvre d'une grande couverture.
-Moi aussi je pleure
Le son de sa  voix est étouffé par l'épaisseur de la couverture.
-On arrive, fait Sarah d'une voix devenue brusquement chevrotante. Je suis devant la porte du parking
-J'écoute, fait une autre voix métallique, grésillante.
-Sarah Baum, j'ai rendez-vous..
-Ok
Un tunnel vert lumineux avale la voiture et la projette contre une rampe incurvée qui plonge dans un gouffre
aux parois lisses.
-Je suis rentrée...
-Ne parle pas...trouve une place dans un angle mort, à l'abri des caméras.
Le regard de Sarah se promène sur les murs barbouillés de blanc, se fixe sur un emplacement près des ascenseurs. Elle coupe le contact, demeure silencieuse.
-A toi de jouer, fait la voix étouffée d'Outis
Sarah pousse un soupir et sort de la voiture.
-Je te rejoindrai avant la fin du film, dit Outis, j'ai horreur de te voir pleurer.
Les talons de Sarah résonnent sur le sol du parking. Et puis,  un long silence s'installe.

Sir Toby accueille ses visiteurs en rotant
-Ah, ces harengs marinés, quelle plaie!
Ducasse se racle la gorge , recule de deux pas.
-Tout est en place? demande le notaire
Ducasse ouvre la bouche pour répondre / Blanquart entre dans la cuisine. La porte va frapper le mur.
Il porte un vieux treillis de l'armée française. La veste est un peu trop bien ajustée pour sa bedaine.
Après un salut militaire en règle, il annonce
-Les hommes sont prêts
-Parfait, répond Richard en tamponnant  délicatement ses grosses lèvres et son menton avec une grande serviette à carreaux.
Blanquart louche sur la bouteille de Riesling
-Un petit verre avant le combat, dit le notaire avec un sourire narquois.
-Pas de refus, répond Blanquart en se projetant vers la table
-Après tout, c'est peut-être le dernier hein, celui du condamné ! rigole le notaire
Il se lève, sa grosse carcasse chancelle. Puis, il avale  son verre cul-sec, attrape la bouteille, la lève bien haut au-dessus de sa tête et crie
-Sus aux ennemis !
Ducasse recule encore de deux pas. Il pince les lèvres. Son visage a le teint cireux d'un mannequin de cire.
-Sus aux ennemis ! crie à son tour Blanquart, rigolard.
A suivre

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