jeudi 26 mai 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (29)



Page 325.Une lettre d'Ernest Hemingway à Scott
"Je me demande quelle pourrait-être ton idée du paradis ? Un splendide vide plein de riches monogames, tous puissants et membres des meilleures familles se saoulant tous à mort.
Et l'enfer serait probablement un affreux vide plein de pauvres polygames incapables de se procurer de la gnôle ou atteints d'affections gastriques chroniques qu'ils appelleraient chagrins secrets. "
Outis repose le livre sur l'étagère de la bibliothèque. Il penche légèrement la tête pour capturer Sarah dans son champ de vision. C'est très furtif mais, il apprécie. Puis, tout d'un coup, elle disparaît . Il ne reste que le son d'ambiance : Sourd/ casserole sur la plaque du fourneau, plus aiguë / couverts qui s'entrechoquent.
-Si tu me parlais de Richard
Elle apparaît sur le pas de porte de sa cuisine, un grand couteau à lame effilée en main.
-Le notaire?
-Oui, en tout cas, c'est comme cela qu'il s'est présenté cet après-midi.
Sarah grimace.
-Tu as décidé de gâcher la soirée?
-Non, j'essaie seulement  de comprendre comment fonctionne cette ville, répond Outis.
-C'est un sale type.
-C'est quoi son racket?
Elle grimace une nouvelle fois puis soupire
-Il dirige le bureau de relogement de la ville. Une commission décide qu'une famille ne peut plus habiter dans un des taudis des anciens quartiers et..
-On construit des logements sociaux aux loyers plus élevés dans d'autres quartiers, la coupe Outis
-Oui, Richard touche sur les deux tableaux. Il récupère les taudis qu'il loue à des immigrés et entre en participation dans les sociétés qui gèrent les logements sociaux.
-Et ça rapporte?
-Sûrement, répond Sarah en disparaissant de nouveau dans sa cuisine. Il y a cinq ans, il habitait encore dans une banlieue crasseuse. Aujourd'hui , la moitié des maisons de l'Avenue de l'Hippodrome lui appartient.
Outis soupire longuement.
-C'est prêt, annonça Sarah d'un ton solennel.

Dans le jardin zoologique
Des cages rouillées, certaines décorées de fientes d'oiseaux. Au centre, un gros rocher pointu austère, gris, dressé dans un ciel de drap blanc.
La cabane du gardien, empilage imprécis de rondins, a de vagues allures de chalet Suisse.
Maître Richard attire l'attention du gardien  en frappant contre la vitre de la cabane avec une pièce de monnaie. L'employé, un sexagénaire en blouse grise et béret, abandonne son feuilleton réservé à la ménagère de cinquante ans à contre-coeur. Il déchire deux tickets de son carnet d'une main tremblante.
Un couple d'échassiers au plumage terne salue le passage de Richard et Ducasse avec de grands cris rauques.
Les deux hommes avancent têtes baissées, dans un cimetière d'animaux en plâtre.
Ducasse, maladroit, enjambe  ce qu'il reste de la carcasse d'un zèbre couché sur le flanc. Richard contourne la dépouille d'un rhinocéros barbouillé de peinture verte. Sur la fesse droite de l'animal, des visiteurs ont écrit, au centre d'un coeur imprécis Gilles et Martine pour la vie.

Pavillon des insectes
Une presse d'invertébrés / brillante/ rouge et d'or.
Un coléoptère roux  fait de la varappe sur la tranche de son cube.
-Voila, je vous ai tout dit, fait Ducasse.
Richard ne répond pas. Il a les yeux fixés sur les cubes. Puis, sa lèvre inférieure, tendue vers l'avant, tremblote.
-Il semble que nous n'avons plus le choix, lâche-t-il d'une voix onctueuse.
Ducasse frissonne
-Vous voulez dire que ..
-Oui, bien sur! tonne le notaire. Qu'est-ce que vous croyez  à la fin, que je vais me laisser massacrer?
Nous devons recruter quelques hommes. Des hommes sachant se servir d'armes, c'est indispensable, évidemment..
Ducasse est aussi blanc que le ciel. Il incline sa petite tête ronde, bredouille..
-Mais, des hommes..
-Oui, des mercenaires, reprend le notaire en donnant un grand coup de poing sur un cube de verre.
Un scarabée sonicéphale, qui avait presque atteint le sommet de l'arête, dégringola sur ses congénères.
Richard pointe le doigt
-Regardez nos petits amis, eux, n'abandonnent jamais !
Ducasse jette un  regard distrait sur la blatte qui reprend son ascension, antennes  frémissantes.
Une énorme boule de feu se forme au niveau de son plexus solaire. Il parle en baissant la voix.
-Peut-être qu'un plan?
-Au diable les plans! explose le notaire.
 Ses petits yeux noirs transpercent son complice.
-La seule tactique, c'est de faire exploser le bunker !
-Le... le siège?
-Oui, le siège !
Richard se prend pour un acteur / il déclame
-Faisons griller les colombes.. provoquons l'apocalypse chez les ramiers !
Ducasse baisse la tête, jette un regard derrière lui.
Ah! malheur, il est devenu fou...


-Merde !
Nez de boxeur donne un  grand coup de poing sur le volant.
-Alors, c'est qui l'autre?
-Un minable, répond le blondinet avec une sale grimace.
D'un seul coup, son visage s'éclaire. Il fixe son pote avec un grand sourire.
-Allez, je te le fais à pile ou face .
-Quoi? grogne nez de boxeur
Le blondinet fouille dans la poche de son pantalon, ressort un pièce de monnaie.
-Face c'est moi qui l'annonce au patron et pile c'est toi.
Nez de boxeur devient face de bouledogue
-Et pourquoi que je jouerais avec toi hein ?
Le blondinet devient affable, très vendeur de voitures
-On travaille en duo non?
Nez de boxeur baisse simplement sa grosse tête.
 La pièce fait trois tours complets.
-Merde ! lâche le blondinet en découvrant la pièce sur le dos de sa main.
-Ouais ! crie nez de boxeur en serrant le poing.
De la banquette arrière, le rire de Mamadou résonne dans l'habitacle de la voiture.
(A suivre )

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