lundi 16 mai 2011

Travail au noir


Le fond du problème c'est que l'on appelle tout, ou à peu près tout : polar.
Car, le roman Noir fait vendre, le thriller frissonner et le policier policer.
C'est ainsi, le lecteur aime les héros cicatrisés et les innocents découpés en petites  parts égales dans une boite à chaussures. Le lecteur aime les méchants qui dégustent les parties génitales cuisinées à la mode de leur pays. Le lecteur vibre... le lecteur achète.
Alors, les écrivains bossent tous au noir.
Vous l'aurez compris, il faut de l'intrigue, du sang et une solide documentation sur les lieux où vont se dérouler les faits. Dans les recommandations, il faut aussi ajouter, c'est indispensable, une certaine vision fataliste du monde. (Bah oui... noir!)
Mais de style, personne ne parle. On utilise généralement celui qui donne satisfaction depuis si longtemps.. Pourquoi s'en priver?
Voici pourquoi on peut lire bien souvent d'honnêtes romans noirs avec de la violence moderne, des paysages et de la musique branchés et puis des personnages qui causent comme des d'jeun's. Et tant pis si  le roman à l'air d'avoir été écrit dans les années soixante par un nègre de Jean Bruce. Ce qui compte c'est le frisson et l'intrigue.
Même si une bonne douzaine de "suiveurs" Hammettiens ou Chandleriens ont assurés la relève avec bonheur, il n'est plus question aujourd'hui  de suivre cet exemple.
C'est la raison pour laquelle il faut trouver une autre forme-polar . Une forme à l'image de notre monde : encore plus directe et brutale. Une forme elliptique, proche du cinéma, de ses plans, de son découpage et surtout de son rythme.
Le roman noir, c'est l'urgence.
Lisez  ce texte du grand Chester Himes écrit en 1965
"A peine entrés dans la pénombre du hall, Fossoyeur et Ed Cercueil furent assaillis par une odeur d'urine.
-La première mesure à prendre dans la lutte contre le taudis, c'est d'installer des urinoirs, déclara Fossoyeur.
Ed Cercueil qui commençait à percevoir des relents plus complexes de cuisine, de corps humains, de chien et de cosmétiques de basse qualité, répondit:
-A quoi bon?
Puis ils remarquèrent les graffiti sur les murs: des noms, des coeurs, des formules obscènes, des organes génitaux, les mille et une manières de s'accoupler dans un espace restreint. Mais, la puanteur diminuait au fur et à mesure qu'ils escaladaient les cinq étages, et les murs portaient moins de tatouages.Le palier de Sarah leur parut presque propre.... ////
...//// Elle avait laissé la porte entrebâillée et  les deux policiers pouvaient voir le salon que Sarah appelait sa" salle de réception".Le plancher était recouvert d'un simple lino, uni et ciré.Des sièges s'alignaient le long des murs, sauf dans le coin réservé à un juke-box illuminé. Pour les clients, il y avaient des fauteuils, pour les filles des chaises à dossier droit. Mais la plupart étaient installées sur les genoux du client, à moins qu'elles ne fussent en train de danser, ou d'accomplir de menues corvées pour le miché- lui apporter à manger ou à boire par exemple .
Toutes les filles étaient vêtues de la même et sommaire tunique qui s'arrêtait à mi-cuisse, mais les couleurs de ces tuniques étaient différentes. Toutes les filles étaient des Portoricaines au teint clair, certaines blondes, d'autres châtaines, d'autres brunes. Toutes avaient des chaussures dorées aux talons hauts, toutes étaient jeunes. Elles virevoltaient à travers la pièce, offrant un spectacle plaisant et pittoresque.
Près du Juke-box, s'ouvrait un long couloir peu éclairé, sur lequel donnait de petites chambres fonctionnelles, deux salles de bains et un boudoir mitoyen à la cuisine pour les clients avides d'intimité."
La description est percutante, l 'usage de l'adjectif modéré et la caractérisation indispensable , livrée avec une poésie sans égale.
Ici, on ne risque pas de trouver quelqu'un qui se recule vivement ou qui attend une poignée de secondes.
Alors, s'il vous plaît  les gars, laissez-nous notre noir, adoptez une autre couleur!
Julius Marx

4 commentaires:

  1. "Nauséabond", "se recule vivement", "une poignée de secondes", je gaspille de l'électricité sur Google, mais je ne trouve toujours pas l'auteur de ces clichés. Le suspense en devient intolérable... Qui est-ce ? Par pitié ! Clooney n'écrit pas à ma connaissance...

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  2. J'suis pas une balance! La seule chose que je peux dire, c'est que le bouquin date de 1998 et que l'action se passe en nouvelle Zélande.
    J'dirais rien d'autre inspecteur..Pouvez me frapper, j'dirais rien..

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  3. Merci du tuyau, on te revaudra ça. J'ai pu loger le Zulu, plus qu'à aller le cueillir avec les collègues.

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  4. Et pour ma protection inspecteur... On fait comment?

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