mercredi 9 mars 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (1)


Il lit
    Préparer un fumet de poisson avec la tête  et les arêtes du Saint-Pierre,comme il est indiqué page11.
    Ajouter alors une cuillère à soupe du mélange d'épices et tourner lentement avec une cuillère en bois.
    Laisser infuser à petits bouillons pendant trente minutes, avec la citronnelle émincée et les gousses d'ail
    rôties.

Outis
     repose le livre de cuisine sur le plan de travail , s'essuie les mains avec le torchon noué au cordon de son
    tablier. Il se penche, hume le fumet qui tressaute, puis, se relève pour attraper la queue de la sauteuse et
    réveiller la préparation par quelques petits mouvements brefs.

Il est grand
    avec un visage calme, des yeux noirs et des cheveux embroussaillés de la même teinte.
    Sous son tablier, il porte un pantalon de toile très léger, un pull déformé, déchiré à la manche,
    et aux pieds, des chaussures bateaux sans lacet.
    On frappe, deux coups, énergiques.
    Outis jette un coup d'oeil vers la pendule murale. Elle indique 17h45.
    On frappe de nouveau. Encore deux coups, avec plus de force.
    Outis cherche un couvercle au bon diamètre puis recouvre la sauteuse.

L'appartement
  n'est composé que d'une grande pièce et d'une plus petite, certainement la chambre.
 Sur les murs, on peut voir une affiche de film ( l'Ange Ivre, d'Akira Kurosawa) et une grande photo de Chet
 Baker au temps de sa grâce juvénile. Les meubles sont tous de récupération et ont étés maladroitement
 recouverts d'une épaisse couche de peinture sans avoir étés préparés. Près de la porte d'entrée, il est
 impossible de ne pas remarquer une statue sur pied (une maternité) dont l'origine est le pays des Dogons.

Bras levé
  prêt à frapper encore une fois, l'homme a un léger mouvement de recul. Deux petites touffes de cheveux gris
  lissées de chaque côté de son crâne, un visage rond, enfantin, le font ressembler à Federico Fellini.
  Il porte un costume qui a probablement été piétiné par un troupeau d'éléphants, une chemise presque
  blanche et une cravate fine très vintage.
  La ressemblance avec le maestro italien s'arrête là. Sur sa cravate, on remarque une tâche de graisse et
  ses yeux chassieux ne pétillent pas d'intelligence.
  -Vous êtes Outis, le détective?
  -Ca dépend
  Il plisse le front, contrarié.
  -De quoi?
  -Qui le demande?
   Il a une drôle d'expression, celle d'un gamin qui refuse le monde des adultes. Il secoue sa tête, irrité.
  -Laissez-moi entrer, j'ai une affaire à vous proposer. Et puis, mon nom ne vous dirait rien.
   Il veut entrer, fait un pas à l'intérieur. Outis le stoppe net dans son élan en posant sa main sur son sternum.
   L'homme accuse le coup, reste bouche bée.
  -Fiche le camp ! Ta tête non plus ne me dit rien.
   Le gamin grimace puis, fait une seconde tentative. Il se rue vers l'avant, tête baissée à la manière d'un
   rugbyman.
   Outis opte lui pour le judo. Il l'attrape par le revers du veston, le fait pivoter.
   L'homme glisse, perd l'équilibre.Outis le projette droit sur la statuette Dogon.
   Lorsqu'il se relève, Outis remarque que l'homme a un petit éclat de bois au-dessus de la pommette droite.
   Il remarque aussi qu'il braque un antique Sauer 7mm 65. dans sa direction.
  -Maintenant, vous allez m'écouter, hein, beugle-t-il en tordant affreusement sa bouche.

Les types qui jouent les durs sont souvent plus dangereux que les vrais
  Outis pense à cette phrase qu'il a dû , fidèle à son habitude noter quelque part, puis, lève les bras.
  L'autre se fend d'un petit sourire.
  -Alors, on fait moins le malin maintenant, hein?
  -Plus haut
  -Quoi, qu'est-ce que vous dites?
  -Je dis, porte ton arme plus haute que ça.
  Il baisse un bras et montre la hausse. L'homme a un léger sursaut et recule.
  -Pas de blague, recule, mains en l'air !
   Outis s'exécute.
  -D'accord, d'accord.
  L'homme reste une fraction de seconde pensif puis, remonte le canon du Sauer de 2o bons centimètres.
  -Bien, dit Outis.
  -Bon, maintenant, vous allez m'écoutez, grogne l'homme.
  -J'ai pas vraiment le choix, répond Outis
  -J'ai besoin d'un type comme vous, annonce t-il en faisant un pas sur le côté.
  Outis le suit des yeux. Le voila qui tourne en rond, s'approche de l'unique fenêtre et jette un oeil à l'extérieur.
  Il s'écarte maintenant de la fenêtre, relève encore le canon de son arme et fixe Outis.
  Ses yeux sont larmoyants, vagues.
  -Bien sûr, tu as pensé au cran de sûreté, annonce Outis.
  L'homme sursaute une nouvelle fois. Puis, il a un sourire forcé , il plisse aussi les paupières.
  -Ah! C'est pas nouveau comme coup fourré (il fait non de la tête) mais je me laisse pas avoir moi..
  Pourtant, il baisse quand même les yeux sur l'arme.
  D'un bond, Outis se lance en avant et vient le percuter. L'autre tourne sur lui même. Outis lui envoie un
  formidable shoot dans l'entre-jambe. L'homme veut crier mais sa plainte reste bloquée dans sa gorge.
  Il dégringole comme un sac de marin que l'on jette après une virée. Le sac fait un bruit sourd.
  Lorsque Outis se penche au-dessus de lui, l'homme a la bouche ouverte et un mince filet de bave coule
  lentement sur les lattes  du parquet.
  Outis récupère l'arme, empoigne l'homme par la ceinture et le dépose sur une chaise.
  Il le gifle. L'homme refait lentement surface. Il ouvre les yeux. Outis y voit des larmes , de désespoir ou de
  rage, il ne sait pas.
  -Je n'aime pas qu'on me braque avec une arme , dit Outis d'une voix calme et posée. J'ai bien conscience
   que c'est un vrai handicap pour mon travail, mais, j'ai horreur de ça. tu as compris?
  L'homme se redressa légèrement. Il fit sortir sa langue et poussa un long soupir. Puis, il hocha la tête.
  Il avait compris.
  A suivre

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