mercredi 16 mars 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (5)



Songe
Un visage d'or, hilare. Des dents couronnées qui s'échappent d'une bouche.
Valence qui veut lui faire avaler la clé USB. Il hurle "allez, on connait vos antécédents!"
Et puis, un lit, une couverture orange. Sur le lit, deux filles s'embrassent , prennent des poses ridiculement obscènes. L'une des deux attrape soudainement la cuisse de l'autre et déchire un bon morceau de chair d'un seul coup de dents.
La fenêtre s'ouvre, des billets de banque volent dans la pièce et puis, enfin, un Saint- Pierre...

Ca va, monsieur ?
Outis ouvre lentement les yeux. Un grand type osseux, desséché, est penché au-dessus de lui.
-Ca va aller? dit encore le contrôleur
Outis ne répond pas et tente de se remettre debout.
Tangage / il prend appui sur la paroi de la cabine.
L'image est floue, le son beaucoup trop puissant. D'abord, se débarrasser de l'intrus.
Il est là, une peau tachée de pomme pourrie. Il enlève sa casquette, se gratte le crâne.
-Ca va, ça va, rien de grave, juste un malaise.
L'autre perplexe/ tenace
-Votre joue, y'a du sang là / il montre
Outis prend la fuite, s'enferme dans les toilettes.
Il arrache des feuilles de papier hygiénique et les applique sur sa blessure.
La douleur le fait frissonner. Il grimace, ferme les yeux.
Lorsqu'il les ouvre à nouveau, il voit Valence dans la glace du lavabo.
Il se retourne aussi vite qu'il le peut. Le roi des producteurs est là, assis sur son trône , rigide, l'épaule contre la cloison. Le plan est net, très net. Le roi a maintenant une énorme orange sanguine à la place de la tête. Il y a du sang, beaucoup de sang, qui goûte lentement sur le sol plastifié.
Celui qui l'avait mis dans cet état ne méritait pas d'être qualifié de professionnel.

Il écarte les pans de l'imperméable
Dans la poche de veste de Valence, il trouve : un vieux paquet de mouchoirs tout froissé, une gomme mâchouillée et une carte de téléphone.
Rien d'autre . Les mouchoirs, la gomme et la carte finissent par terre. Le Sauer, coincé dans sa ceinture .
Il fait couler un peu d'eau fraîche, s'asperge le visage plusieurs fois puis, applique un bon paquet de feuilles sur sa plaie.
Un coup d'oeil sur sa montre / Un quart d'heure avant l'arrivée à Veninsart.
Un quart d'heure pour mettre la main sur le rouquin. Suffisant ou pas, il faut essayer.

Fier de lui
Le rouquin doré remonte le compartiment première classe d'un pas assuré.
Il bouscule une rombière, donne un bon coup de pied dans un sac de voyage.
Il n'entend pas les remarques désobligeantes qu'on lui adresse.
Il palpe, dans la poche de son pantalon, la petite clé.
La merveilleuse petite clé qui va lui assurer une place de choix dans l'organisation, pourquoi pas homme de confiance ? Eh oui, pourquoi pas?
Monsieur va être content et satisfait de lui avoir accordé sa confiance. C'est tout naturel, pensez-donc.
Il palpe encore, regarde sa montre.
Parvenu en tête de train, il s'adosse à la porte de sortie.
Il allume une Benson et expulse la fumée par les narines.
De son poste d'observation, il observe les allées et venues. Pas de panique, tout est sous contrôle. Ses yeux de fouine sont en mouvement. Il croit entendre la voix grave et solennelle de monsieur "tu es dans un cul-de-sac, imbécile !"
-Le type et son garde du corps ont leur compte, chuchote-t-il pour lui même. C'est ça le self-contrôle d'un homme de confiance..
La cendre de la Benson tombe sur la manche de son blazer.

Avant de descendre, assurez-vous que vous n'oubliez rien à l'intérieur
Planqué à l'autre bout du compartiment, l'affreux rouquin en ligne de mire, Outis pense à ce qu'il laisse à bord.
Dans un concerto de grincements, le train roule maintenant au pas.
Tous les voyageurs sont debout, s'observent, sourires ou grimaces de circonstances, prêts à s'éjecter.
Tremblements nerveux / stop /
Le quai. Outis prend la vague. Devant lui, à bonne distance, le rouquin marche en sifflotant. Il est encore plus laid de loin que de près.
Dehors, unique tache de couleur sur un ciel de papier calque, le clown d'une compagnie de restauration rapide souhaite la bienvenue à tous.

Vous avez pas un euro, pour manger ?
-Non, pas le temps
-Merci quand même.
On peut manger avec un euro?
La salle des pas perdus ; courant d'air Sibérien qui enveloppe le grand hall, brebis égarées, têtes en l'air, fixant les panneaux, hagards. Le vent soulève les manteaux, rougit les visages de ceux qui vivent encore un peu.

Le rouquin a retrouvé deux costauds
Ils font deux bonnes têtes de plus que lui, en long comme en large.
Ils sont enveloppés du même manteau, de coupe très classique, noué à la ceinture.
Le même tailleur, certes, mais pas le même chirurgien esthétique. L'un a un nez de boxeur et une tête de bûche, l'autre un visage angélique couronné de cheveux blonds qui ondulent.
Le rouquin parle à tête de bûche. Le costaud l'écoute à peine, le prend par le bras et le propulse vers la sortie. Visage d'ange se contente de les suivre, un sourire dédaigneux sur ses lèvres minces.
Outis les suit. Une filature, dans le Nord... A suivre 

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