mercredi 23 mars 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (11)


Outis en-trouve lentement les paupières
Une image / la télévision/ Bla-bla
Le sommier métallique grince. La pièce est brune : cloisons, meubles enduits d'un verni craquelé par endroit. Au centre de la pièce exigüe, un petit radiateur électrique bourdonne.
Les crampes nouent les muscles de ses jambes/ il replonge..

-Alors, on se réveille quand même ?
La bouche pleine de nourriture, le flic surveillant le dévisage/ petit bonhomme rond et mou comme de la pâte à modeler/ moustache grise à la Vercingétorix.
Outis ouvre la bouche... Impossible de répondre.
Le flic a la tête plongé dans une barquette en alu / plat préparé / spécialité italienne fabriquée en France par des robots japonais. Il lèche le fond en insistant sur les angles. Il lâche la barquette / totalement nettoyée de son contenu.
-Vous voulez quelque chose à manger?
Outis fait non de la tête. Le flic se cure maintenant les dents avec une allumette.
Il porte des yeux ternis par l'effort sur son prisonnier.
-Z'êtes pas bavard vous..
Outis roule, s'assied sur le bord du lit. Il soupire, se masse les tempes. Dans sa tête, un tempo infernal.
-Y'en a qui peuvent pas s'arrêter de causer, dit le surveillant. Mais vous, peau de balle, rien ! Remarquez, j'men fous... Chacun son truc..
Outis replonge dans un demi-sommeil

Claaaac ! La porte s'ouvre à la volée
Elle vient cogner contre le mur. Le surveillant sursaute/ Ils sont déjà dans la pièce.
Il y a l'inspecteur Blanquart et un autre, plus petit, qui porte un imper de nylon beige et un chapeau assorti. A lui seul, il incarne la lassitude du fonctionnaire.
Le surveillant se met au garde-à-vous /tête droite, doigts plaqués contre la couture du pantalon.
-Voila, c'est lui, dit Blanquart en désignant Outis du doigt.
Il s'avance, secoue le prisonnier / Outis se rassied.
Le supérieur de Blanquart s'avance à son tour, s'arrête net, comme s'il regrettait d'avoir été trop loin. Il fixe Outis avec ses yeux secs.
-Vous êtes libre cher monsieur
Outis lève la tête. La voix du supérieur est aigre, aussi désagréable et métallique que le bourdonnement qui reprend dans sa tête.
-Aucune charge n'ayant été retenue contre vous, poursuit le bourdonnement chapeauté. Toutefois,vous devez rester à notre disposition pendant toute la durée de l'enquête..
-C'est à dire ? demande Outis
Le chef, brutalement stoppé dans ses propos de chef, accuse le coup. Il pince les lèvres, joint ses mains devant sa bouche. Sa pose soudaine et sa mince silhouette se découpant dans le verni brun des cloisons, le projetèrent par une intervention divine dans un polyptyque de Piero Della Francesca.
Blanquart (et sa grande gueule) vient rompre le charme.
-Ca veux dire, tu te casses et tu fermes ta gueule !
-Tss.. Tss.. Allons, restons calmes, rectifie le chef
Il s'approche d'Outis, pose une petite main fragile sur son épaule.
-Allons , sortez d'ici sans faire d'histoires... Ca vaudra mieux pour tout le monde.
(Regard oblique en direction de la grande gueule)
L'inspecteur Blanquart a un tempérament un peu volcanique, je l'admet. Mais il connait bien son travail, croyez-moi. Et puis, trois morts dans une citée si tranquille comme la nôtre, n'est-ce pas, enfin...
Outis se lève, le chef recule d'un pas.
Blanquart s'écarte / la colère contenue le rend rouge pivoine, fait ressortir encore les veines de son nez.
Outis fait un vague salut en direction du surveillant et sort.
-Et c'est rien à côté de ce qu'on va te faire si tu nous emmerdes ! crie Blanquart à la porte qui se referme.
Le chef secoue la tête, irrité.
-Qu'est-ce que j'ai fait encore? demande Blanquart
-Je vous avais demandé de l'effrayer un peu, pas de le passer à la torture ! C'est terminé l'Algérie Blanquart, vous êtes au courant ?
-J'ai fais que mon boulot, c'est tout.
-Non, dit le chef en marchant vers la porte. On a pas besoin d'un fouille-merde comme lui dans notre ville... (soupir) On a bien assez des nôtres.
Sur le pas de la porte, il ajoute
-Assurez-vous qu'il quitte bien la ville.
-Je connais ce genre de type, répond Blanquart.. C'est le genre à faire dans son froc.. Il va s'en aller , faites moi confiance.
Resté seul, il s'aperçoit de la présence du surveillant. Il pêche un cigarillos dans sa poche et demande
-T'as du feu Raymond?



It was night in the lonesome december
Juste quelques nuages tremblants qui s'effilochent. Une lune pleine et brillante qui déchire les plus minces.
A l'intérieur de leurs forteresses imprenables, les bourgeois dorment. Ils rêvent d'argent, de sexe, de pouvoir dans un ordre indéfini.
Outis fixe le poilu, là-haut, sur sa stèle. Il voudrait bien récupérer sa grenade et la balancer illico dans les fenêtres du commissariat.
Et puis, son regard monte jusqu'aux étoiles scintillantes qui palpitent déjà, fébriles, et redescend , bute sur une cabine téléphonique.
A suivre 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire