jeudi 17 mars 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (6)


Dehors
De légers flocons de neige mouillent le pavé. Devant l'entrée de la gare, un énorme camion citerne, à cheval sur le trottoir, plonge de drôles de tentacules dans les profondeurs . La vidange se fait sous la protection de la police.
Nez de boxeur pose sa main sur l'épaule du rouquin / deux bons copains qui se retrouvent. Blondinet a une vision globale , à 360°, de la scène. Il ne tique même pas, se contente d'observer avec le petit sourire de circonstance.
Pourtant, tout ceci sent fortement la merde.

La police, pour quoi faire?
Outis les suit toujours à bonne distance, à l'abri d'un groupe de lycéens.
On passe devant une boulangerie industrielle. La vendeuse beugle "4 pains au chocolat pour 2 euros!" La protection d'Outis vole en éclats. Les gamins se précipitent à l'intérieur comme un troupeau de gnous hystériques. La vendeuse s'efface, cesse de beugler.
Outis se réfugie sous le auvent d'un kiosque à journaux. La une d'un canard local annonce de la neige pour le lendemain. Il pose le journal sur sa tête, c'est toujours ça.
Les deux costauds et le rouquin remontent ce qui semble être la rue principale.
Pas de doute/ le vent pousse les consommateurs contres les façades des magasins.
Hommes, femmes et enfants s'agglutinent comme des grappes de lierres sur les vitrines enguirlandées.
On bifurque / soudainement, une petite place avec des brocanteurs. Richesses pourrissantes à même le trottoir trempé, SDF, escadrilles de ramiers, c'est noël !

Grande artère congestionnée
La neige rend la circulation pus difficile encore. Les voitures font ouuuuf en passant tout près d'eux. Outis a les pieds mouillés, c'est le moindre de ses soucis.
La neige, taquine, le force à fermer ses paupières à demi.
Quand vont-ils enfin s'arrêter?
Maintenant !
Un bâtiment austère, quatre étages, douze fenêtres identiques ouvrant toutes sur la rue, comme un dessin d'enfant sans imagination.
Pourtant, quelques colombes sculptées sur le rebord des fenêtres, à chaque étage.
Les colombes ont un joli chapeau de neige sur leurs têtes.
Le trio est déjà à l'intérieur .
Outis remarque, au-dessus des colombes, un panneau : Association colombophile du Nord.
Ah, très bien, les oiseaux sont rentrés au nid.

D'abord, se mettre à l'abri
Le vendeur de la librairie lisait le Journal de Mickey. Au son de la clochette suspendue au-dessus de la porte, il leva la tête. Taches de rousseur et dentition approximative/ etpourmonsieurceseraquoi?
-Un stylo, un bloc.
-Quel genre de stylo?
-Un stylo pour écrire
-Ah, je vois (courroucé)
Et puis, Outis note scrupuleusement toutes les infos qu'il veut conserver. Outis sait que tout est important, que chaque détail peut apporter sa solution.
Le vendeur tente de lire par-dessus son épaule. Les quelques mots alignés ressemblent à des définitions pour cruciverbistes.
Association colombophile, 123 rue Brandebourg , costaud, blondinet.
Outis prend congé . Le vendeur replonge dans sa lecture : les trois neveux de Donald Duck rendent visite à leur tonton, la soirée s'annonce agitée.


Plus loin, une cabine
-Alex?
-Oui, c'est moi.
-Où es-tu? On avait rendez-vous à...
-Je sais. J'ai eu un petit problème.
-Quel genre?
-Je ne peux pas t'en parler...
(le beffroi carillonne)
-Tu es encore dans le Nord
-Bien vu. J'ai besoin d'un peu d'argent. Tu en trouveras dans l'appartement, tu sais où.
Le plus simple, c'est un mandat, à la poste centrale de Veninsart.
Quoi? Non, j'ai pas le code postal.
-Alex?
-Oui
-Je t'aime
-Bon, je tâcherai de m'en souvenir.

Plus tard
Dans un magasin spécialisé dans le vêtement de seconde main, il donne son unique billet de 50 euros et ressort avec un blouson en faux cuir, un pantalon de toile beige de type baroudeur et un bonnet de marin tricoté.
Dans une poubelle, sur le trottoir, il jette le sac contenant ses vêtements tâchés de sang.
La ville est totalement blanche. Sur la grand place, il voit une grande roue noyée dans d'épaisses nappes de brumes dormantes. La roue tourne au rythme des cris et rires d'enfants. D'antiques chants de noël ou il est question de sapins, de forêt et de cadeaux jaillissent dans un grésillement continu.
Un père noël piste les gosses et le porte-monnaie des parents avec un vieux Polaroïd. L'élastique de sa fausse barbe a cédé. Sa postiche de filasse blanche pendouille sous son menton de galoche.
En fermant les yeux, Outis voit la grande roue qui brise soudainement ses vérins d'acier, qui remonte la grande rue dans un atroce bruit de ferraille, écrase des dizaines de consommateurs. Les chants deviennent des cris. Puis, un vent chaud venu du désert se lève, noyant la place sous un sable brûlant.
La pluie tombe, piquetant la surface encore brillante du sable
Eh, oh ! pouvezpasfaireattention
Outis demande l'heure au bousculé . A un autre, la direction de la poste centrale.
A suivre

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