mardi 1 mars 2011

Solidarité


 "L'ordre terroriste de la mafia impose la loi du silence et aboutit à une culpabilité généralisée où chaque témoin, parce qu'il ne se souvient pas, ne parle pas, qu'il s'abolit, devient objectivement le complice des assassins."
Cette phrase de Sciascia dans Le jour de la chouette, résume bien le problème qui se pose aujourd'hui au peuple tunisien. Après le grand chambardement, un sérieux coup de balai s'impose maintenant dans les hautes sphères de l'Etat. Car, s'il faut chasser le roi, on doit aussi, c'est un fait, mettre dehors les membres de sa famille, ses conseillers et ses bouffons.
Ainsi parle M, notre quincailler, en découpant six mètres de tuyaux d'arrosage. J'avoue que j'ai un humblement  "mis en forme" ses dires mais, cependant, il nous faut admettre qu'il a entièrement raison sur le fond.
Les autres participants au "débat" interviennent à leur tour. L'un d'eux parle de Bourguiba, l'autre d'économie et le troisième demande son tuyau d'arrosage.
Ce qui me frappe surtout c'est leur façon toute nouvelle de parler. Prendre la parole, avant, c'était bien différent. L'interrogé répondait souvent d'une voix monocorde, à peine plus forte qu'un chuchotement. Et puis, c'était bien souvent les yeux qui parlaient à la place de la bouche. On se souvient des histoires drôles ou anecdotes sur la "famille" qui remplaçaient les joutes verbales.
Aujourd'hui, le timbre est élevé; on s'exprime, on invective, on n'a plus honte d'avoir un avis.
Plus d'allusion ou de métaphores, mais un verbe tranchant, plus vrai, plus vif : DEGAGE !
S, mercière de son état, ne fait pas de politique. En acceptant nos menus travaux de couture, elle  nous propose également de participer à la collecte de vêtements qui s'organise dans le village. Le fait qu'elle nous demande de nous joindre à la collectivité pour venir en aide aux gens qui sont dans le plus grand dénuement nous remplit d'une fierté toute légitime. Après ces huit années passées dans le village nous avons maintenant le droit de faire partie de la famille. Inutile de vous dire que nous allons opérer un sérieux tri dans nos placards!
Décidément, c'est le jour du grand nettoyage!
Nous passons devant la pharmacie. Une affiche annonce une autre collecte, celle-ci de médicaments pour "nos frères libyens".
Cette solidarité, que ce soit dans les camps du grand Sud avec les réfugiés, ou dans nos villages, est franchement réconfortante. Elle montre surtout que le peuple a le pouvoir ; le pouvoir de s'opposer, de s'organiser, de construire.
Pendant ce temps-là, en France, ils changent de ministre et 69 % des sondés se disent inquiets des révoltes dans les pays arabes. Inquiets pourquoi? Pour leurs prochaines vacances, pour le prix de l'essence à la pompe?
Français, soyez enfin créatifs, virez vos gouvernants, récupérez vos biens et mettez les spéculateurs au travail.
Et puis, devenez solidaires.
Julius Marx

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