vendredi 25 mars 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (13)




La lumière jaillit d'un fast-food
A une centaine de mètres, c'est un blockhaus orange et noir. Un bataillon de voitures tourne autour dans le sens des aiguilles d'une montre. Mamadou aime cet endroit, non pas pour le fast-food, mais pour l'ancien terrain de sport . Les herbes folles lui montent au mollet . La piste des 400 mètres est presque entièrement envahie de broussailles.
Mamadou se met à sautiller sur place / pousse de petites et profondes expirations.
Avec application, il introduit la pointe de ses chaussures dans les starting-blocks
(deux planches). Il penche la tête, écoute avec un petit sourire la voix nasillarde du commentateur, là-haut dans la tribune.

Mesdames, messieurs on peut l'affirmer, ce soir est un grand soir pour le grand Mamadou Ouédraogo . Le glorieux représentant du Burkina Faso à l'air concentré.
Il sait que cette course est LA course de sa jeune carrière.
Il n'a pas le droit à l'erreur, c'est certain. C'est un impitoyable quitte ou double !
Ses épaules vont-elles supporter l'enjeu ? Nous allons le savoir tout de suite.

Mamadou risque un regard furtif à droite puis à gauche/ ses adversaires n'ont aucune chance de rivaliser / c'est Dieu qui le fait courir !
Il baisse la tête, cherche sa concentration.
Tout d'un coup, la détonation libère les athlètes. Mamadou fait un bond en avant . Dès les premières foulées, il donne le maximum, ce n'est pas le genre à s'économiser.
Il bute sur un gros carton / se rétablit / poursuit vers l'avant / droit devant.
Il avale sans grandes difficultés les haies jalonnant le parcours . Gros buisson touffu/ poussette d'enfant délabrée/ pneu de camion.
Il allonge sa foulée pour les derniers mètres .C'est à ce moment là, généralement qu'il crée la différence sur ses adversaires. Il franchit la ligne le buste plié en avant , le visage déformé par l'effort. Il poursuit sa course sur quelques mètres encore, à petites foulées, histoire de retrouver une respiration normale.
Le chrono est magnifique! Mamadou lève les bras au ciel, salue son public.
Debout dans la tribune, le commentateur exulte, s'étrangle

Formidable, extraordinaire, c'est le nouveau record du monde !

Mamadou répond au journaliste puis embrasse sa jeune et belle fiancée. Il a une pensée pour ses parents, ses amis restés au pays.
Le bref aboiement d'un train de marchandise le sort subitement de son exploit.
Son visage devient rigide, froid.
Il retourne en direction de la voiture, ouvre le coffre.


Le rouquin est enveloppé dans une couverture
Mamadou enfonce un doigt dans le ballot qui encombre son coffre. Son geste ne provoque qu'un faible gémissement.
Le rouquin se retrouve à l'air libre, allongé sur un mince apis de broussailles, à côté d'un vieux sommier et de deux planches qui forment une croix.
Il redresse la tête avec difficulté / des feuilles lui chatouillent le nez.
Ses yeux s'enfoncent encore un peu plus dans leurs orbites/ une forme sombre, en demi-cercle s'abat sur lui / il lève le bras / n'empêche pas la pelle de lui fendre le crâne.
Mamadou laisse tomber la pelle. Il se penche pour apprécier son travail. Il remarque la montre très plate en or massif et très recherchée de forme qui entoure le poignet du mort. Lors de son apprentissage, les formateurs de l'association lui ont appris qu'il ne faut jamais conserver les objets personnels de l'homme que l'on a supprimé.
Mais, Mamadou trouve la montre assez grosse pour lui/ rien n'est trop beau pour le nouveau recordman du monde !
Un brouillard glacé s'élève, emplit bientôt le stade de ses exploits
A suivre 

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