dimanche 20 mars 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (8)



-C'est toi Davis ?
Le jeune homme sursaute et fait une affreuse grimace, comme si Outis venait de lui enfoncer la pointe d'un couteau dans le ventre.
-Hein, quoi? bredouille-t-il
Outis se penche, lui parle à l'oreille
-Je te demande si t'appelles Davis, c'est clair non?
Le jeune s'écarte subitement, vacille. Outis l'attrape par le col en fourrure de son blouson, lui montre le Sauer.
Le jeune n'a manifestement jamais vu une arme de si près. Il écarquille les yeux.
-Tsss.. Tsss.. Reste calme, fait Outis . Tout va bien se passer.

-Putain, qu'est-ce qu'on se pèle ..
L'homme de la cabine téléphonique pense. Il se voit attrapant un petit verre de rhum, au comptoir de chez Gros Louis dit le vérolé. Et pis, tiens, pourquoi un petit verre, la bouteille oui ! Quel délice, le petit Jésus en culotte qui te descend dans la gorge...
Il redresse la tête / qui c'est celui-là?
Denis, le jeunot pistonné chargé par Monsieur Davis de rester à l'intérieur de la poste, qui sort avec un autre. C'est le type qui m'a donné du feu.
Qu'est-ce que c'est que....
Il sort de la cabine, fait face aux deux autres et pose ses grosses pattes sur ses hanches. Il veut avoir l'air menaçant.
-Qu'est-ce qui se passe Denis?
La réponse vient de Outis. Il se positionne sur le côté, fait admirer une nouvelle fois le Sauer.
L'homme n'a pas l'air surpris. Il fronce ses gros sourcils.
-Je veux Davis, annonce Outis.
D'un simple coup d'oeil, en direction de la voiture de son chef, l'homme trahit toute la bande de malfrats. Outis regarde à son tour l'auto garée face à la poste de Veninsart.
Il pousse alors le jeune dans le dos.
-Allons-y
Le gros fait un pas en avant.
-Non, tu vas nulle part.
Le gros voit le pied d'Outis se projeter subitement en direction des ses parties génitales. Son esquisse est maladroite, ridicule. Il pousse un cri perçant et rauque, boule sur le trottoir. D'une main ferme plaquée dans le dos, Outis pousse encore le jeune. Denis regarde à peine son complice qui se roule par terre en pleurant comme une femme. Le duo marche droit vers la voiture de Davis.

Qu'est-ce que c'est que ce con ?
-J'sais pas, m'sieur Davis
Davis est dressé sur son siège. Ses yeux sont ceux d'un dément?
-Vas voir imbécile !
Il vient à peine de refermer la portière que les deux types sont déjà sur lui.
Le plus grand lui montre un pétard / il n'aime pas la tournure que prennent les évènements / pendant une seconde, il pense à s'enfuir en courant.
-Remonte, lui dit Outis.
Il baisse la tête, fait ce que lui dit le type au pétard.
Outis pousse le jeune à l'intérieur de la voiture.
Les deux s'installent sur les sièges arrière/ Outis lève le Sauer bien haut devant lui.
-Qu'est-ce que vous voulez ? demande Davis
-C'est toi Davis?
-Qu'est-ce que ça peut vous faire?
-Contente toi de me répondre, dit Outis.
-Et pourquoi?
-Parce que c'est moi qui tient l'arme. Ca te va comme réponse?
Très court instant de silence/ le jeune va se mettre à pleurer / le mécano fixe ses chaussures.
-Oui, c'est moi, lâche enfin Davis sans se retourner. Qu'est-ce que vous me voulez?
-J'ai rendez-vous avec toi.
-Négatif, grogne Davis. J'ai étudié la tête de mon contact. Vous n'êtes pas mon contact.
Autre instant de silence/ les larmes coulent des yeux du jeunot/ le mécano fixe maintenant la poignée de la porte.
-Finement raisonné, reprend Outis. Mais, ton contact a eut un petit problème.
-Quel genre de problème?
-Le genre irréversible... Il est mort.
Autre moment de silence/ le mécano s'est décidé. Il avance lentement la main et s'apprête à saisir la poignée.
-Fais pas de conneries, lance Outis.
Le mécano retire sa main à la vitesse de l'éclair / le jeune s'essuie les yeux d'un revers de manche/ renifle.
Davis est rassuré . Il se permet même un léger sourire. L'étranger est de son monde. Il passe au tutoiement
-Tu peux négocier à sa place,?
-C'est pour ça que je suis là
-D'accord, envoie le film
-Non, l'argent d'abord.
Davis se retourne. Il adopte l'expression satisfaite du type sûr de maitriser tous les éléments. Outis supporte difficilement la grimace.
-Tu gagnes, dit Davis en plongeant sa main dans sa poche intérieure.
Lorsque la main ressort, elle vole en avant, se démultiplie, comme prolongée par un bras articulé.
Outis sent qu'une pointe de fer entre dans sa joue. Il se crispe, un long cri reste bloqué au niveau de sa pomme d'Adam. Au même instant, un coup sec lui meurtrit le poignet. Il lâche le Sauer.
Le jeune se met à hurler.

Arrêtes ! Ca suffit!
A cheval sur le siège, matraque de caoutchouc en main, le mécano frappe.
Ses coups sont désordonnés.
Davis le saisit au col et le balance sur le côté. Sa tête vient frapper contre la vitre de la portière. Il halète comme s'il venait de courir un marathon.
Davis sort de la voiture. Il ouvre la portière arrière, fait basculer le corps d'Outis.
Le jeune en profite pour filer. Le terrain est glissant. Sa course est maladroite, ses gestes désordonnés. Davis relève la tête. Le coureur glisse et va percuter une poubelle municipale. D'un geste rapide, Davis sort son Glock et ajuste le jeune qui se relève. Les deux détonations vont se perdre dans le brouillard. Le jeune retombe. Sa tête heurte le trottoir.
Un retraité qui pelletait la neige devant l'entrée de son garage, voit le jeune tomber.
Il lâche sa pelle.
Davis fouille Outis avec la précision d'un professionnel. Il trouve la clé USB dans la poche du pantalon d'Outis. Il retrousse ses babines, pousse un soupir, presque un râle.
Le mécano rejoint son chef.
La clé USB a disparu dans la poche de Davis.
-Met le moteur en route, crie Davis avant de pivoter à 360°.
Le mécano jette un oeil vers le corps du jeune, voit le retraité qui vient vers lui et pivote à son tour.
Davis se dirige maintenant vers la cabine téléphonique.
Il trouve le gros, haletant, assis dans la neige, adossé à la cabine.
Le gros ouvre la bouche en apercevant enfin un visage ami.
Davis lève son arme et tire dans la tête du gros.
Son sang se répand dans la neige, sa cervelle sur la vitre de la cabine.

Hé! Vous, là-bas!
Le retraité se tient au milieu de la chaussée, les jambes écartées, le bras levé.
Il interpelle Davis.
Le moteur rugit. Les roues patinent, la voiture chasse de l'arrière puis redevient stable. Le retraité voit arriver la voiture. Il pense qu'elle ne va pas l'écraser, que le chauffeur va parvenir à l'éviter. Il a tort.
L'aile droite le happe et le fait tournoyer sur lui-même.
Au volant, le mécano, soufflant, suant, pousse un cri . Il lève le poing en signe de victoire. La voiture fait une embardée. Elle percute un petit muret de briques rouges délimitant un jardin.
Le mécano décapite deux nains de jardin et ressort en laissant derrière lui une large ornière dans la terre molle.
Davis grimpe dans la voiture /elle rugit de nouveau/ disparaît.

Ben, ça alors!
Le facteur observe la scène. Un homme couché sur la route. Un autre, là-bas, sur le trottoir, près de la poubelle et puis, encore un, sur le trottoir d'en face.
-Y'en a un autre collé sur la cabine téléphonique , crie la préposée aux télégrammes avant de s'évanouir.
Le facteur se frappe le front/ il laisse tomber son vélo/ les lettres s'éparpillent dans la neige.
Outis voit des lumières clignotantes qui ne brillent nulle part dans le ciel, des points tourbillonnants, des images étranges. Il ferme les yeux.
A suivre

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