samedi 19 mars 2011

T'as mal où ?

Je reproduis ici un texte que j'ai lu dans le très bon blog "Fine Stagione" ici
Il y a plusieurs jours déjà, pourtant, il est encore en moi.


                                 Chi ti fa male ? A vita, mi fa mali 
                                  (Tu as mal où ? J'ai mal à la vie)

Il y a la duperie du ciel : une vigne qu'on a sué sang et eau toute l'année pour lui faire prendre des forces, on voit maintenant des grappes rondes et fermes comme les seins de Donna Amalia, arrive la gelée blanche et elle mange le tout en un instant.

Il y a la trahison de son propre sang : les enfants dégénèrent, le garçon entre taverne et bordel, la fille à la fenêtre, le museau peinturluré. Et ils ne disent plus voscenza (Votre excellence), si tu les reprends, ils se mettent à chantonner , gna gna gna et gna gna gna.

Il y a les abcès de la misère : ne plus pouvoir s'offrir les jambières pour les nuits glacées où l'on campe aux champs, ni la pipe de tabac après le repas de pain et d'oignons, ne plus pouvoir espérer une demie-journée dans le calme et la propreté, attablé au café avec les amis tandis qu'on joue Rigoletto.


Il y a l'inimitié du temps: à chaque matin sa peine, les rhumatismes, la prostate. Et ces bouffées au visage, cette douleur-là-encore un rhumatisme sans doute- en haut de la poitrine, dans la région du coeur.

Alors quand le docteur Cabibbo frappe et demande, derrière la porte: "tu as mal où?", on lui répond: " j'ai mal à la vie".
Gesualdo Bufalino  "Museo d'ombres"
Editions Bompiani
Traduction André Lentin et Stefano Mangano

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