jeudi 24 mars 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (12)



You'd be so nice to come home to

Outis approche sa bouche du combiné, halète comme un jeune chiot.
-Allo ?
Les halètements redoublent
-Ah, c'est toi!
Outis soupire, dépité.
-Tu m'as reconnu...
-Oui, tu fais encore des erreurs mon ami...L'obsédé, c'est une plainte, un gémissement, tu comprends ?
-Bon, une autre fois, peut-être..
-C'est ça... Comment vas-tu?
-Je suis encore vivant... Quelles sont les nouvelles?
-Qu'est-ce que tu as fabriqué dans ton appartement?
-Pourquoi?
-Pourquoi? C'est un vrai désastre! Si tu as avais l'intention de refaire la déco, c'est parfait, tu vas pouvoir repartir sur des bases saines, il ne reste plus rien, tout est cassé!
Une vraie tornade qui...
-Et l'argent?
-Oh ! rassure-toi, je l'ai trouvé.. Pas très futés pour des cambrioleurs.
-Ils cherchaient probablement autre chose
-Tu as une idée?
-Oui
(soupirs)
-Ne t'inquiètes pas, je m'en occupe
-Merci.. La main qui, le samedi, manie le mieux son balai...
-Oui, je sais, est celle dont le dimanche les caresses sont les plus douces
-Je t'embrasse
-Moi aussi. Si tu as encore besoin de grogner au téléphone, rappelle-moi
Outis repose le combiné. Le silence, la solitude et la nuit deviennent d'un coup plus supportables.

Droit devant
Martial Davis remonte l'allée principale d'un grand parc. L'aménagement est aussi soigné et ridicule que celui d'un golf miniature.
Quatre lignes de platanes entourent la propriété du citoyen Kane.Le vent fait grogner les grands arbres aux squelette impressionnant. Un froid polaire lui donne des coups de sabre / Davis Frissonne.
Il parvient devant une bâtisse surannée en forme de pastille Vichy avec une ribambelle de hautes et grandes fenêtres et des tourelles d'angle incongrues.
Davis doit faire une petit saut pour escalader la première marche de l'imposant escalier qui mène au perron.
Devant la porte, il s'immobilise et lâche quelques pets puants. Son ventre se soulage en grondant/ une douce chaleur lui caresse le dos, remonte le long de son épine dorsale.
La sonnette produit un drôle de gargouillis qui éveille une présence dans les profondeurs de la demeure. Une lumière s'allume au rez-de-chaussée / rais de lumière sur le perron/ le visage poupin d'une jeune bonne.
Le fille avance dans la lumière . Davis ne voit que les deux obus qui gonflent sa blouse de soubrette. Elle glousse en découvrant la chevelure pittoresquement ébouriffée et saupoudrée de neige du visiteur.
-On m'attend, dt Davis sans desserrer les dents
Elle ouvre la bouche pour parler /Davis est plus prompt
-Je sais qu'il est tard, allez le chercher.
Barbie pince les lèvres, hausse les épaules, fait volte-face et plonge dans le corridor.
Davis jette un coup d'oeil sur son petit cul qui frétille / referme la porte derrière lui.
Il avance de quelques pas. Le long couloir est planté d'un tas de petits meubles aux pieds torsadés. Ce qui intéresse Davis, ce sont les tableaux accrochés aux murs. Comme à chacune de ses visites, il tente de déchiffrer ce que contiennent les cadres.
Le premier / quatre gros traits noirs/ une tâche de vomi en son centre.
Un autre / un morceau de viande de boeuf mâchouillé?

Maître Richard se montre
Enveloppé dans une grosse robe de chambre en laine, il a un peu de difficulté à avancer / sa panse l'entraîne vers l'avant/ il doit freiner sur ses talons, rejeter sa tête vers l'arrière. Il stoppe sa course tout près du morceau de boeuf . Ses petits yeux d'un bleu vif s'agitent sous d'épais sourcils hérissés comme des pointes.
-Vous l'avez ? dit-il en retroussant ses babines
Pour toute réponse, Davis tapote la poche de son manteau
-Bien, dit-encore Richard en amorçant la périlleuse manoeuvre qui doit le faire pivoter de 180°.


Mamadou Ouédraogo est né à Ouagadougou
Ouagadougou est la capitale du Burkina Faso , un pays d'Afrique dont le nom signifie quelque chose comme le pays des hommes intègres. Ceci explique peut-être l'extrême pauvreté qui règne dans ce pays.
Mamadou a débarqué dans la patrie des droits de l'homme et de la liberté depuis 4 ans. Quatre années qu'il a principalement occupé à travailler dur pour rembourser le réseau des "petits-frères" qui l'a libéré. Encore 18 mois et Mamadou sera quitte.
Son visage poupin inspire la bienveillance même si les trois traits verticaux qui balafrent sa joue effraient quelquefois l'homme blanc.
Bien calé au fond du siège en cuir de la voiture de l'association, il se sent bien. Il sourit, pense à son avenir.
Ce qu'il préfère, ce sont les nombreuses options du modèle luxe qu'il a la chance de piloter. Chauffage ventilé poussé à son maximum / dégivrage automatique de la lunette arrière/ phares multi-directionnels / navigateur de bord avec cette voix si drôle. Mais surtout , il ne peut se passer du lecteur CD qui diffuse en ce moment un standard du Seigneur Rochereau, le chanteur préféré de Mamadou.
Il martèle le tempo en frappant sur le volant et en dodelinant de la tête.
Un grand panneau annonce la proximité de l'autoroute. Mamadou ralentit son allure.
Puis, il bifurque et engage la voiture dans une zone de lumière orangée. Il stoppe au beau milieu d'un terrain vague délimité par des palissades pourrissantes à demi renversées. Le Seigneur Rochereau se languit
Je t'aime oh mon amour, je t'aime toi mon coeur
Je t'attend nuit et jour pour mon seul bonheur
Qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige,
devant ta photo je me recueille.
Mamadou coupe le contact à regret. Mais, le travail, c'est le travail.
A suivre 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire