mercredi 12 janvier 2011

Crépuscule


"Mon fils, ne va jamais faire confiance à quelqu'un qui ne boit pas. C'est probablement aussi quelqu'un qui se croit meilleur que les autres, quelqu'un qui croit tout savoir. Parmi ces gens-là, tu trouveras peut-être des hommes de bien, mais songe que c'est précisément au nom de ce bien qu'ils attirent bien des calamités sur ce pauvre monde.Car, ils se posent en juges et se mêlent toujours de ce qui ne les regarde pas. Méfie-toi particulièrement de ceux qui boivent en faisant attention de ne jamais se saouler; la plupart du temps, ils agissent ainsi parce qu'ils redoutent de libérer ce qu'ils gardent dans leurs coeurs. Ce peut être la lâcheté, la bêtise la méchanceté ou la violence. Quoi qu'il en soit, il n'est pas bon d'accorder sa confiance à un homme qui se craint lui-même.
Mais parfois, fils, parfois, tu pourras faire confiance à celui qui s'agenouille devant une cuvette de WC. Il y a une chance pour qu'il prenne là une bonne leçon d'humilité, une chance qu'il comprenne la vanité de sa condition et qu'il apprenne à vivre en se supportant. Car, vois-tu, il n'est as facile de se prendre au sérieux quand on est en train de cracher tripes et boyaux dans une vieille cuvette de WC toute sale."
Quand je levais les yeux, je le vis qui souriait d'un sourire étrange, celui de l'homme qui vient d'entrevoir son avenir, et qui sait l'accepter sans se plaindre.
Une unique traînée de nuages prenait le ciel en travers, tel un long panache de fumée dont le bout, très loin à l'horizon, brillait d'un rouge violent, comme s'il avait été trempé dans le sang. Mais, à moindre distance, les nuages n'étaient plus que teintés de rose, et au-dessus de nos têtes, ils se dissolvaient en fils de vapeur cendreuse.
-Jolie vue, pas vrai, fils?
-Oh! oui, père.
-Et pourtant, ça ne suffit pas, dit-il dans un sourire, avant de retourner dans le bar en riant, pour y boire à l'alcool , à l'amour et au rire, en me laissant suspendu dans l'immensité.
James Crumley
Fausse piste
10/18 n° 2133
Chez Crumley (tout du moins dans ce roman )  on trouve tous les ingrédients du genre ; Privé désabusé, alcool , femme fatale et surtout le style.
Il faut lire Crumley, parce que rêver, ça ne suffit pas.

2 commentaires:

  1. Je le lirai, merci pour ce beau billet.

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  2. Je te conseille de débuter par "La danse de l'ours" pour la presque naissance du privé Milo M.
    Ensuite, dans l'ordre si possible, tout est bon.

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