mercredi 26 janvier 2011

Un petit tour en ville


Douzième jour (après B.A.)
Ce matin, nous décidons de quitter notre paisible bourgade pour la ville voisine. Juste un petit tour  pour acheter du pain frais et du thon, si la chance nous sourit.
Vitres baissées, nous laissons le ronronnement de notre moteur nous bercer. Je me redresse, car j'ai cru apercevoir un nuage, là-bas, derrière ce palmier.. Fausse alerte.
Nous engageons notre puissante berline sur ce qu'on appelle ici, la voie rapide. C'est notre périphérique à nous; une double voie qui ceinture la ville en prenant soin de ne pas trop la serrer, les restrictions, c'était avant. Point de service de  voirie, juste des vieilles femmes enveloppées dans de grands morceaux d'étoffe à bandes rouges. Le corps cassé en deux, elle doivent justifier leur salaire d'à peine  5 euros par jour.
Notre route est d'une modernité rare. Terre-plein central, deux larges bandes d'asphalte minutieusement balisées et, oh, merveille de la technologie , un radar! Même si avant d'être éblouis par le premier flash de cet appareil du diable nous avons dû attendre deux années, il faut admettre qu'aujourd'hui, il fonctionne le bougre!
Le bruit courrait que les services de police rechignaient à rendre leur  nouveau joujou opérationnel car ils avaient une peur bleue de photographier un officiel en agréable compagnie. Mais, tant de bruits courraient..C'était il y a si longtemps..Un temps lointain où les vitres teintées étaient interdites.
Notre périphérique serpente dans la campagne  et permet de faire le tour de la ville en une petite demi-heure, ou en trois-quarts d'heure si vous respectez les limitations et autres interdictions.
C'est pour cette raison que nous nous étonnâmes de remarquer un grand embouteillage, à une centaine de mètres  seulement devant nous.
Enfoncer la pédale de frein est un exercice périlleux chez nous. Personne ne comprend ce geste insensé.
On évite, on frôle, mais jamais on ne s'arrête.
Pourtant, c'est bien ce que nous avons fait. La raison de cet arrêt forcé : une manifestation de lycéens.
Quelques centaines de jeunes avec des pancartes. On crie, on chante, on rie beaucoup. Les banderoles  sont rédigées en français et en arabe, il en faut pour tous le monde. Incontestablement, c'est le verbe "dégager"qui tient la tête dans le programme de ces jeunes et plus précisément la forme impérative.
Une bonne partie de leurs profs en grève  les accompagne. Il est rassurant et réconfortant de constater qu'ils ont très vite intégré les rouages de la démocratie.Peut-être un jour verrons- nous les jeunes de Sidi-Bouzid manifester dans la rue pour leur retraite à 62 ans?
Plus tard, dans le centre ville, nous sommes surpris de voir le nombre de personnes qui, au bord de la route, vendent des fruits, des légumes, du pain . Nous avions l 'habitude de voir quelques marchands, pas plus.
Ce matin,  ces marchés improvisés font plusieurs centaines de mètres et c'est bien leur longueur qui intrigue. Les paysans, jusque là regroupés en coopératives d'Etat, ont-ils pris leur indépendance? Les particuliers cherchent-ils à rendre leurs fins de mois moins difficiles?
Au rond-point, un écervelé vend même des petits coffres-forts....
Derrière nous, l'homme dans la  voiture bleue, celui qui gesticule et qui  fait de grands moulinets avec les bras,  se pose une seule question : qu'est-ce qu'on peut bien fabriquer ?
On avance.
Chez nous, on cuisine le thon avec de l'ail, de la tomate et de l'huile d'olive. Ensuite, on le mélange avec des spaghettis.
Hier soir, quelqu'un au téléphone nous a demandé si nous étions privés de quelque chose.
Nous avons répondu que non.
Il a quand même promis de nous ramener un saucisson.
Julius Marx

3 commentaires:

  1. Julius, j'adore ton blog. S'il te plait, n'arrête pas, même si tu te remets à parler de littérature entre deux !

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  2. Merci Fanette. J'avais déjà remarqué que dans Fanette, il y a fan.
    Merci aussi Marie. La photo vient du film "Thunder road" avec le grand Bob Mitchum et Keely Smith

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  3. Pardon pour le commentaire de Rogermarie qui a été supprimé. Le voici donc:
    J'aime beaucoup la photo qui illustre l'article.
    Qui sont-ils d'ailleurs?
    La phrase de fin est drôle.

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