vendredi 28 janvier 2011

Reportage


Quinzième jour (après B.A.)
L'homme du pays développé regarde la télévision. Il voit le reportage de l'émission "Envoyé spécial".
Les "envoyés spéciaux" sont en Tunisie. "Pays ami, cher à nos coeurs, trop proche de nous" a dit le président de l'homme du pays développé.
En sirotant lentement son cognac trois étoiles (acheté grâce à un ami qui travaille dans un super-marché) il voit des groupes de jeunes, sans arme, attaquer la prison de Kasserine.
L'homme du pays développé ne regrette pas d'avoir choisi ce magasine d'investigation. Le spectacle est palpitant. Il grimace lorsqu'un jeune reçoit une balle dans la jambe. Il se redresse, arrange les deux  coussins qu'il maintient derrière son dos (ordre du médecin).
Sur l'écran, deux jeunes ont attrapé celui qui a reçu la balle. Ils le soutiennent.Le jeune ne peut plus marcher. Il s'écroule. L'homme du pays développé voit clairement la tâche de sang à la hauteur de son thorax. Le sang coule lentement sur le macadam. L'homme du pays développé se rappelle avoir déjà vu ce plan dans un film, mais lequel?
L'homme du pays développé répond "Chut!" à sa femme  qui vient lui demander de réparer le lavabo de la salle de bains. La réponse est si ferme que la femme retourne dans sa cuisine immédiatement.
Les policiers sont retranchés à l'intérieur de la prison. Ils tirent sur la foule des manifestants. Les jeunes s'enfuient en courant. C'est la panique. Il y a des cris et encore des coups de fusils.
L'homme du pays développé lampe la dernière goutte de son cognac.
Sur l'écran, c'est une autre séquence. Les journalistes parlent d'internet et d'un groupe nommé "Anonymous".
Il aime moins cette partie du reportage. Il en profite pour aller se resservir un autre cognac.
Il soupire, s'impatiente.
Heureusement, la séquence qui suit est plus musclée. L'homme du pays développé était prêt à changer de chaîne. Les mêmes jeunes font tomber le portrait du dictateur BA. Ils le piétinent.
L'homme du pays développé se rappelle l'année dernière, dans cet hôtel d'Hammamet, avec son beau-frère, lorsque les deux quadragénaires s'étaient fait draguer par une gamine de l 'âge de celle qui est sur l'écran et qui répond aux journalistes.
L'autre parlait mieux le français. Et puis, quelle paire de lolos!
Bon, le reportage s'achève.
Le réalisateur est interrogé par deux femmes. L'homme du pays développé n'apprend rien de plus. Le réalisateur a l'air fatigué. Les deux femmes empilent les banalités.
L'homme du pays développé se lève, baille et se dirige vers la chambre.
Au passage, il demande à sa femme si elle a  bien pensé à fermer toutes les serrures de la porte blindée.
Il est déjà au pied de son lit quand la réponse lui parvient. Il ôte ses pantoufles.
Il se dit qu'il va regarder l'émission, la semaine prochaine, qu'il faut absolument se tenir informé des évènements qui agitent le monde.
Il ferme les yeux en pensant à la paire de lolos de la fille d'Hammamet.
Julius Marx

2 commentaires:

  1. Haha c'est énorme ce que tu as écrit, un peu exagéré mais sinon l'idée est là.

    RépondreSupprimer
  2. Enfait j'ai tellement aimé cet article, que je vais le publier sur Facebook a moins que tu sois contre. la Bise

    RépondreSupprimer