mardi 18 janvier 2011

Rumeurs



Cinquième jour (Après B.A.)
Chaque matin c'est la même chose! Encore ce fichu téléphone!
-Allo, t'es au courant ? Ils ont brûlé le commissariat de ..
-Ah, Bon, t'es sûr?
-C'est X qui me l'a dit .
-Alors...
Puis, au fur et à mesure que la journée s'écoule, d'autres informations tout aussi invérifiables arrivent.
Au début de l'insurrection, une main assassine avait versé un poison dans l'eau. Bon, de toutes façons, parmi nous, il y a un pourcentage non-négligeable de personnes pour qui, l'eau n'est définitivement pas un choix.
Ces jours-ci, un autre pourcentage affirmait que les hommes de la puissante milice de B.A poursuivaient tous le monde, même les femmes et les enfants, jusqu'à l'intérieur des maisons, le poignard entre les dents.
Une autre ritournelle berce aussi nos journées : qui est parti , qui est resté?
-Machin  est parti hier matin, avec sa voiture.Comme ça, il sauve au moins la bagnole.
-C'est pitoyable..
-Quoi, qu'est-ce que tu dis?
-Non, rien.
Ou alors.
-X est parti avec sa famille
-Je l'ai vu hier soir!
-Alors, il faut l'annoncer à tous, tu t'en occupes?
C'est épuisant. S'il est parti, après tout, tant pis pour lui. La Tunisie, aimez-la, ou quittez la!
J'espère que le nouveau gouvernement mettra enfin sur pied un programme d'immigration choisie.
Pour clore le chapitre téléphonie mobile, il faut savoir que le principal opérateur du pays a crédité tous ses abonnés de plusieurs dinars en accompagnant le don d'une simple phrase : "pour vous permettre de rester en contact avec vos proches." Elégant.
La vie pré-couvre feu reprend ses droits. Chez le marchand de fruits et  légumes "aux 5 saisons" les étalages sont beaucoup moins garnis que d'habitude. Et alors? Personne n'a faim, et c'est bien ça l'essentiel. Suivant  la magnifique phrase de Nicolas Bouvier nous faisons  "l'apprentissage du moins" en sachant que; un pas vers le moins est un pas vers le mieux. Il y a longtemps que nous avons laissé tomber la plupart des choses inutiles. Non, je ne vais pas les énumérer, trop long..
Il est tôt. Je passe dans une petite rue que j'appelle la rue Propre. Dans cette venelle de 4o mètres, le promeneur n'a aucune chance de trouver le moindre papier gras ni la plus petite boite de conserve.
La femme a encore le balai en mains. Elle arrange son voile et trottine jusqu'à l'intérieur.
L'homme (un retraité qui a passé plus de 20 ans en France) se tient sur le pas de sa porte. Il  s'efface pour la laisser entrer .Il porte toujours le même costume élimé, probablement celui qu'il portait, le dimanche dans les rues de St Denis ou d'Aubervilliers. Il me fait un signe de tête.
Je m'approche, lui demande ce qu'il pense des évènements.
-Un voleur finit toujours par être rattrapé un jour ou l'autre, me dit-il en souriant.
Soit, avant de partir, je le complimente encore pour la propreté se SA rue. Sa réponse me laisse songeur.
-C'est comme ça. Dans la vie, il y a ceux qui jettent et ceux qui ramassent.
Nuit.
Julius Marx

4 commentaires:

  1. Excellent ! Ceux qui jettent et ceux qui ramassent.

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  2. Un voleur finit toujours par être rattrapé un jour ou l'autre, bien dit aussi.

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  3. Si le journal la presse pouvez s'inspirer de ta forme d'expression, maintenant qu'ils ont le droit et le devoir de s'exprimer, je pense que les feuilles de cet hebdomadaire ne me serviraient pas qu'a tapisser le fond de mon cageot à champignon !
    Bises
    pierre

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  4. Pour les non-tunisiens, "La Presse" est le journal local, écrit en français et à qui on reproche ( maintenant c'est du passé..) sa ligne éditoriale assez "floue".

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