lundi 24 janvier 2011

Un dimanche de campagne


Dixième jour (après B.A.)
Dans le pays: on affirme, on démissionne, on choisit, on doute, on exige, on se prononce, on reprend du service, on marche, on manifeste encore, mais, on n'oublie pas.

Mon absence dominicale est justifiée. Convié à une réunion très importante et pour tout dire capitale, sur l'avenir de la Tunisie, j'ai répondu présent.
Voici comment se sont déroulés les débats. Tout d'abord, il me faut vous énumérer les forces en présence.
Ces experts (regroupés dans un premier temps autour d'une table basse) formaient un véritable panel représentatif de  notre communauté. Il y avait là : des chefs d'entreprise spécialisés dans le tee-shirts et le maillot de bain deux pièces, des cadres dirigeants malaxeurs de matière plastique, des détenteurs du savoir (instituteurs et professeurs), une idéaliste estampillée ONG et enfin, une courageuse et téméraire femme, née dans le pays hôte. Notons aussi la présence de deux adolescentes, très vite "saoulées" par la force et le volume des paroles échangées, et qui décidèrent de se replier devant leur ordinateur pour suivre l'évolution de la situation sur un site bien connu de relations sociales.
Dans un premier temps, l'ordre du jour ne fut pas, ou très peu, abordé,  les membres du panel  préférant se concentrer sur le plat d'houmous et les filets de rougets accompagnés de vins locaux ou importés.
C'est autour de la grande table que débuta vraiment le débat. Après un bilan rapide de la situation, magnifiquement dressé par notre doyen (en années de présence dans le pays), qui affirma haut et fort que les membres de la communauté  repartis en France au début de la révolte possédaient des organes génitaux  plus petits que la moyenne. Les participants,  subitement fédérés par ce discours, laissèrent parler leur coeur.
On affirma que l'aéroport BA de Enfidha  récemment inauguré devait immédiatement changer de nom pour s'appeler M.Bouazizi. On décréta que le peuple de la Tunisie (petit Poucet du Maghreb) avait bel et bien nargué ses voisins (ceux-la même qui n'avaient cessé de les traiter de "serviteurs" ou de "femmes").
On apprécia cette photo symbole des avocats en robe, au beau milieu des manifestants.
On  afficha nos espoirs lorsque qu'un des débatteurs parla, la larme à l'oeil, de ces grands halls d' hôtels si vides, si glacials maintenant. On s'embrassa, quand une autre, gagnée par la fièvre du renouveau, laissa jaillir ses souvenirs comme un flot. On décréta sur le champ la lecture de Marx obligatoire. On chanta "Commandante Ché Guévara "!
Seul l'apparition d'un magnifique gâteau au chocolat apaisa les passions.
Plus tard, lorsque la nuit tomba et que les membres de chaque délégation s'engouffrèrent dans leur 4X4, leur voiture banalisée, ou leur taxi local, pour être de retour avant le couvre-feu, je levai la tête, là-haut  vers les étoiles, qui, on le sait, ne regardent jamais en bas.
Julius Marx

1 commentaire: