mardi 25 janvier 2011

Surveillance négative


Onzième jour (après B.A.)
"L'agence de notation Moody's a annoncé, hier, avoir abaissé d'un cran la note de la Tunisie pour ce qui est de l'évaluation du risque souverain du pays, en raison des incertitudes économiques et politiques qui pèsent sur le pays. Moody's a dégradé de "Baa2" à "Baa3", la note de la dette souveraine de la Tunisie avec perspective négative. De leur côté, Fitch , Standard et Poor's ont, pour leur part, maintenu la notation des émissions en devises de la Tunisie à "BBB" en la mettant sous surveillance négative pour une période de trois à six mois.
Parallèlement, l'agence  de notation japonaise R.I a abaissé la notation de la Tunisie de "A-" à "BBB", en la plaçant également sous surveillance négative."
Agent de notation est un beau métier. Ces messieurs doivent savoir que passer de "B.A" à "BBB" ,voir même "BAA" ne nous fait pas peur. Il en faudrait beaucoup plus que ça! Et puis, pour ce qui est de la surveillance négative, on a l'habitude.
Dans notre village, nous avons trois distributeurs automatiques de billets. Les lecteurs qui suivent assidûment ce blog savent déjà qu'un des trois, celui qui se trouve à côté du commissariat, est hors d'usage.Avec son écran qui pend hors de l'habitacle et ses dégradés de gris et de noir il est aujourd'hui  plus proche d'une oeuvre d'art contemporaine que d'un simple et banal distributeur.
Le deuxième ne fonctionne jamais et, par ces temps de troubles, il n'y a aucune raison pour que quelque chose ait changé.
Le troisième est à côté de la Poste. Lorsque j'arrive  près du distributeur, un vieil homme en burnous , chaussettes et savate, serviette éponge enroulée autour de la tête, est en pleine tentative de retrait de cash.
Appuyé sur un vieux morceau de bois aussi noueux que son bras, il entre sa carte. Ses doigts (on dirait des brindilles sèches) hésitent, puis, finissent par taper les chiffres providentiels.
Nous attendons. Il tourne la tête, me voit, me sourit.
Je hoche la tête. Je souris à mon tour. J'espère de tout coeur que l'opération va marcher. Dans le cas contraire, il va me prendre le bras, me murmurer des tas de choses incompréhensibles, me demander pourquoi il ne peut pas avoir cet argent, car c'est moi, bien entendu, qui ai installé ce fichu distributeur!
La carte ressort, pas l'argent !
Je grimace.. C'est un coup monté de ces salauds de l'agence de notation! Nous rétrograder de Baa2 à Baa3!
Ca y est, il m'a pris le bras, me donne sa carte. Comment veut-il que je lui prenne son argent ? Il me parle.
Probablement les chiffres de son code, ah! malheur!
Mon sauveur arrive. C'est un jeune homme qui échange quelques mots avec le vieux, regarde sa carte puis le distributeur, de nouveau la carte, de nouveau le distributeur, et décide qu'il ne peut rien faire.
Hé! Reviens.. Le traître, il a filé... Elle est belle la jeunesse!
A mon tour de prendre le vieux par le bras. Je le fais entrer dans la banque (l'opération pend une dizaine de minutes). A l'intérieur, un cravaté, très occupé, ne lève pas la tête de sa tasse de café. Un autre, avec une belle chemise fantaisie à rayures horizontales et verticales, me demande ce qui se passe. Je lui raconte, lui abandonne le vieux. Avant de sortir, j'ai le temps d'entendre le vieux geindre d'une voix aiguë et chemise fantaisie évoquer Dieu.
De retour devant le distributeur. L'écran est étoilé mais il a tenu le choc.Dans cette voie lactée miniature, on peut tout de même distinguer les chiffres et c'est le principal. Je tape, je touche, je soupire.
Surveillance négative.... laissez-moi rire.
Julius Marx

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